La mobilite au sein de l’Union Europeenne concerne aussi le milieu medical. Une liberte qui n’a pas que des avantages. Portrait des travers d’une Medecine sans frontiere.
Le 17 mai prochain s’ouvrira le Sommet europeen consacre au tourisme medical : the Central and Eastern Europe Medical Tourism and Healthcare Summit a Zagreb, en Croatie. C’est l’opportunite pour des pays comme la Roumanie, la Serbie, la Bulgarie, la Hongrie, la Republique tcheque ou encore la Pologne, d’attirer l’attention des entremetteurs de tourisme, des associations medicales, des hopitaux et des consultants du monde entier.
Le role de l’elargissement europeen dans la modification des comportements et des pratiques medicales au sein de l’Union Europeenne est indeniable. La question sous jacente a l’existence d’un tel sommet est la suivante : dans quelles mesures peut-on imputer a l’UE les dysfonctionnements de nos systemes medicaux ?
Les flux migratoires intra communautaire se sont multiplies depuis dix ans et se sont acceleres a partir le 1er janvier 2007, date de l’accueil dans l’Europe de la Roumanie et de la Bulgarie. La libre circulation, la creation de lignes aeriennes a bas prix puis l’unification et la reconnaissance des etudes medicales entre les etats membres ont permis l’apparition d’une « autoroute europeenne de la Medecine » reliant l’Europe de l’Ouest a l’Europe de l’Est. Ainsi, les professionnels s’expatrient pour exercer, les etudiants suivent leur formation a l’etranger, tandis que les patients s’adonnent au tourisme medical.
Le chasse croise des soignants et des soignes
Le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark, la Norvege, la Suede, les Pays-Bas, l’Autriche ou encore la France et l’Allemagne recrutent des medecins en Europe de l’Est pour faire face a la penurie de generalistes dans les zones rurales moins attractives. Ces pays garantissent a ces praticiens d’adoption un salaire eleve et la perspective de meilleures conditions de travail.
Alors que les medecins partent vers l’Ouest, un nombre grandissant d’etudiants effectuent le chemin inverse pour etudier en Europe de l’Est. Ils ne sont pas seuls a franchir les frontieres. Les patients occidentaux suivent le mouvement. Lasses d’attendre des semaines pour un rendez-vous et incapables d’assurer les frais eleves des actes medicaux (notamment des frais dentaires ou d’optique), ils se tournent aujourd’hui vers des cabinets prives bases en Roumanie, en Hongrie, en Pologne ou en Republique Tcheque, n’hesitant plus a prendre d’avion pour se faire poser des implants dentaires ou se faire operer les yeux.
Mon medecin parle le roumain
Le cas de la France et de la Roumanie illustre parfaitement ce phenomene d’ »autoroute de la Medecine ».
En France les medecins roumains representent environ 12 % des medecins etrangers. Depuis le 1er janvier 2007, date d’adhesion de la Roumanie a l’Union Europeenne, le nombre de medecins roumains inscrits au tableau de l’ordre en France est passe de 174 a pres de 1.000.
Directement, via des salons ou des agences, les communes rurales francaises n’ont aucun mal a recruter des specialistes et des generalistes seduits par la promesse de salaires 10 ou 15 fois superieurs aux salaires roumains, sans oublier les avantages annexes (un logement, une place en creche, un cabinet, une aide a l’installation…).
Qu’advient-il des medecins une fois installes ? Le bilan est contraste : problemes d’adaptation, communication difficile avec les patients, isolement, etc. Bien des tentatives aboutissent a terme sur un echec.
Mais plus inquietant encore, le systeme public de sante roumain subit de plein fouet le contrecoup de cet exode massif. Les hopitaux roumains manquent de medecins. Le gouvernement choisit d’investir dans les cliniques privees destinees aux etrangers, aggravant ainsi un peu plus une situation deja alarmante. Faute de financements, les moyens techniques et les medicaments dans les etablissements publics sont insuffisants. En octobre dernier, le centre hospitalier de Brasov a cesse temporairement l’activite du service des urgences a cause du manque de medicaments et de fourniture. Au meme moment, l’hopital du departement de Mehedinti, a Drobeta Turnu Severin, annoncait un total d’impayes de 1,35 million de lei ainsi que son incapacite a assurer le salaire du personnel hospitalier.
Comble de l’ironie, alors que les medecins roumains s’installent en France, les etudiants francais vident les bancs de la fac et poursuivent leur formation en medecine dans les universites roumaines. Victimes de l’exigence impitoyable des concours de selection (85% d’echecs a l’issue de la premiere annee), ils quittent la France pour integrer des etablissements comme l’universite de Cluj, au cœur de la Transylvanie qui a cree une filiere francaise. Contrairement aux facultes francaises, l’universite de Cluj est payante (5000euros par an) et recrute sur dossier. Elle accueille aujourd’hui plus de 260 etudiants francais.
A l’heure du bilan…
De maniere generale, on insiste sur les avantages du developpement des echanges entre pays en enumerant leurs interets economiques, sociaux, culturels et, dans ce cas precis, medicaux. Toutefois, on ne peut pas se limiter a la simple evocation des aspects positifs. On ne peut pas nier le caractere absurde et paradoxal d’une situation qui met en relief les imperfections des systemes de sante nationaux.
Il suffit d’etudier les motivations initiales de chacun pour distinguer nettement la nature des disfonctionnements: un anglais se fait soigner en Hongrie avant tout en raison des couts eleves des actes medicaux en Angleterre. Un generaliste roumain s’installe en France pour fuir de mauvaises conditions travail et un salaire ridiculement bas. Enfin, si les etudiants francais decident de quitter Paris pour Budapest, ce n’est pas parce que le programme en medecine y est plus complet, mais parce que terminer son cursus en France releve du parcours du combattant.
Cette « autoroute de la Medecine » est une voie non seulement a double sens mais aussi a double tranchants. Elle apporte des solutions immediates, a des situations d’urgence sans veritablement prendre le probleme a la racine. A la maniere d’un pansement, elle demeure inefficace sur les plaies profondes qui, sans traitement de fond, continueront a s’aggraver.
…et des perspectives
Avant de se tourner vers les institutions europeennes, la responsabilite incombe a chaque etat de reformer son propre systeme de Sante. En Europe occidentale, des pays comme l’Allemagne, l’Angleterre ou la France mettent en place des mesures pour inciter etudiants et medecins a rester sur le territoire. En France, la reforme des etudes de medecine, votee l’annee derniere, vise notamment a augmenter le numerus clausus dans des regions qui manquent de medecins. De plus, des initiatives voient le jour au niveau local pour attirer les jeunes medecins, telles que la creation de Maisons de Sante. Cependant, la majorite des propositions trouvent pour l’instant bien peu d’echos aupres d’un monde medical excede.
Du cote de l’Est, les gouvernements tentent aussi d’ameliorer leurs systemes publics de Sante. Fin 2009, le gouvernement roumain approuvait l’allocation de 3,2 milliards de lei supplementaires dans le budget de la Caisse nationale d’assurance maladie. Le gouvernement promet egalement une « serieuse reforme du systeme de sante et de contribution ». Un projet ambitieux dont il est, pour l’instant, difficile de distinguer les contours exacts.
Les changements seront donc longs a venir. En attendant, l’ « autoroute de la Medecine » a encore de beaux jours devant elle.

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MEDECINE SANS FRONTIERE

La mobilite au sein de l’Union Europeenne concerne aussi le milieu medical. Une liberte qui n’a pas que des avantages. Portrait des travers d’une Medecine sans frontiere.
Le 17 mai prochain s’ouvrira le Sommet europeen consacre au tourisme medical : the Central and Eastern Europe Medical Tourism and Healthcare Summit a Zagreb, en Croatie. C’est l’opportunite pour des pays comme la Roumanie, la Serbie, la Bulgarie, la Hongrie, la Republique tcheque ou encore la Pologne, d’attirer l’attention des entremetteurs de tourisme, des associations medicales, des hopitaux et des consultants du monde entier.
Le role de l’elargissement europeen dans la modification des comportements et des pratiques medicales au sein de l’Union Europeenne est indeniable. La question sous jacente a l’existence d’un tel sommet est la suivante : dans quelles mesures peut-on imputer a l’UE les dysfonctionnements de nos systemes medicaux ?
Les flux migratoires intra communautaire se sont multiplies depuis dix ans et se sont acceleres a partir le 1er janvier 2007, date de l’accueil dans l’Europe de la Roumanie et de la Bulgarie. La libre circulation, la creation de lignes aeriennes a bas prix puis l’unification et la reconnaissance des etudes medicales entre les etats membres ont permis l’apparition d’une « autoroute europeenne de la Medecine » reliant l’Europe de l’Ouest a l’Europe de l’Est. Ainsi, les professionnels s’expatrient pour exercer, les etudiants suivent leur formation a l’etranger, tandis que les patients s’adonnent au tourisme medical.
Le chasse croise des soignants et des soignes
Le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark, la Norvege, la Suede, les Pays-Bas, l’Autriche ou encore la France et l’Allemagne recrutent des medecins en Europe de l’Est pour faire face a la penurie de generalistes dans les zones rurales moins attractives. Ces pays garantissent a ces praticiens d’adoption un salaire eleve et la perspective de meilleures conditions de travail.
Alors que les medecins partent vers l’Ouest, un nombre grandissant d’etudiants effectuent le chemin inverse pour etudier en Europe de l’Est. Ils ne sont pas seuls a franchir les frontieres. Les patients occidentaux suivent le mouvement. Lasses d’attendre des semaines pour un rendez-vous et incapables d’assurer les frais eleves des actes medicaux (notamment des frais dentaires ou d’optique), ils se tournent aujourd’hui vers des cabinets prives bases en Roumanie, en Hongrie, en Pologne ou en Republique Tcheque, n’hesitant plus a prendre d’avion pour se faire poser des implants dentaires ou se faire operer les yeux.
Mon medecin parle le roumain
Le cas de la France et de la Roumanie illustre parfaitement ce phenomene d’ »autoroute de la Medecine ».
En France les medecins roumains representent environ 12 % des medecins etrangers. Depuis le 1er janvier 2007, date d’adhesion de la Roumanie a l’Union Europeenne, le nombre de medecins roumains inscrits au tableau de l’ordre en France est passe de 174 a pres de 1.000.
Directement, via des salons ou des agences, les communes rurales francaises n’ont aucun mal a recruter des specialistes et des generalistes seduits par la promesse de salaires 10 ou 15 fois superieurs aux salaires roumains, sans oublier les avantages annexes (un logement, une place en creche, un cabinet, une aide a l’installation…).
Qu’advient-il des medecins une fois installes ? Le bilan est contraste : problemes d’adaptation, communication difficile avec les patients, isolement, etc. Bien des tentatives aboutissent a terme sur un echec.
Mais plus inquietant encore, le systeme public de sante roumain subit de plein fouet le contrecoup de cet exode massif. Les hopitaux roumains manquent de medecins. Le gouvernement choisit d’investir dans les cliniques privees destinees aux etrangers, aggravant ainsi un peu plus une situation deja alarmante. Faute de financements, les moyens techniques et les medicaments dans les etablissements publics sont insuffisants. En octobre dernier, le centre hospitalier de Brasov a cesse temporairement l’activite du service des urgences a cause du manque de medicaments et de fourniture. Au meme moment, l’hopital du departement de Mehedinti, a Drobeta Turnu Severin, annoncait un total d’impayes de 1,35 million de lei ainsi que son incapacite a assurer le salaire du personnel hospitalier.
Comble de l’ironie, alors que les medecins roumains s’installent en France, les etudiants francais vident les bancs de la fac et poursuivent leur formation en medecine dans les universites roumaines. Victimes de l’exigence impitoyable des concours de selection (85% d’echecs a l’issue de la premiere annee), ils quittent la France pour integrer des etablissements comme l’universite de Cluj, au cœur de la Transylvanie qui a cree une filiere francaise. Contrairement aux facultes francaises, l’universite de Cluj est payante (5000euros par an) et recrute sur dossier. Elle accueille aujourd’hui plus de 260 etudiants francais.
A l’heure du bilan…
De maniere generale, on insiste sur les avantages du developpement des echanges entre pays en enumerant leurs interets economiques, sociaux, culturels et, dans ce cas precis, medicaux. Toutefois, on ne peut pas se limiter a la simple evocation des aspects positifs. On ne peut pas nier le caractere absurde et paradoxal d’une situation qui met en relief les imperfections des systemes de sante nationaux.
Il suffit d’etudier les motivations initiales de chacun pour distinguer nettement la nature des disfonctionnements: un anglais se fait soigner en Hongrie avant tout en raison des couts eleves des actes medicaux en Angleterre. Un generaliste roumain s’installe en France pour fuir de mauvaises conditions travail et un salaire ridiculement bas. Enfin, si les etudiants francais decident de quitter Paris pour Budapest, ce n’est pas parce que le programme en medecine y est plus complet, mais parce que terminer son cursus en France releve du parcours du combattant.
Cette « autoroute de la Medecine » est une voie non seulement a double sens mais aussi a double tranchants. Elle apporte des solutions immediates, a des situations d’urgence sans veritablement prendre le probleme a la racine. A la maniere d’un pansement, elle demeure inefficace sur les plaies profondes qui, sans traitement de fond, continueront a s’aggraver.
…et des perspectives
Avant de se tourner vers les institutions europeennes, la responsabilite incombe a chaque etat de reformer son propre systeme de Sante. En Europe occidentale, des pays comme l’Allemagne, l’Angleterre ou la France mettent en place des mesures pour inciter etudiants et medecins a rester sur le territoire. En France, la reforme des etudes de medecine, votee l’annee derniere, vise notamment a augmenter le numerus clausus dans des regions qui manquent de medecins. De plus, des initiatives voient le jour au niveau local pour attirer les jeunes medecins, telles que la creation de Maisons de Sante. Cependant, la majorite des propositions trouvent pour l’instant bien peu d’echos aupres d’un monde medical excede.
Du cote de l’Est, les gouvernements tentent aussi d’ameliorer leurs systemes publics de Sante. Fin 2009, le gouvernement roumain approuvait l’allocation de 3,2 milliards de lei supplementaires dans le budget de la Caisse nationale d’assurance maladie. Le gouvernement promet egalement une « serieuse reforme du systeme de sante et de contribution ». Un projet ambitieux dont il est, pour l’instant, difficile de distinguer les contours exacts.
Les changements seront donc longs a venir. En attendant, l’ « autoroute de la Medecine » a encore de beaux jours devant elle.

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Postat de pe data de 31 ian., 2010 in categoria România în lume. Poti urmari comentariile acestui articol prin RSS 2.0. Acest articol a fost vizualizat de 470 ori.

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