C’est la mobilisation generale. Etrillee par les delocalisations, la production hexagonale multiplie les revers symboliques a l’export. Le gouvernement mene la riposte pour restaurer la competitivite des usines.
Est-ce la crise, avec son cortege de suppressions d’emplois, qui a conduit a cette mobilisation ? Est-ce l’efficacite du lobby relance par les federations patronales de l’industrie ? Ou encore les convictions du president de la Republique, qui ne prise rien tant qu’une bonne visite d’usine, suivie d’une rencontre un peu virile avec les syndicats ? Sans doute un peu des trois. Le resultat est la : desormais, le discours sur l’aspiration du pays a une societe postindustrielle porteuse de modernite est relegue aux oubliettes.
La France de 2010 n’eprouve plus aucune fascination pour « cool Britannia », ce pays reve de la finance heureuse et des emplois de services a gogo. C’est l’Allemagne, et son modele industriel resistant a la crise, qui suscite de nouveau l’envie, tandis qu’a Dreux, Philips met la cle sous la porte, tout comme Total a Dunkerque. En 2009, il y a eu 428 fermetures de sites industriels pour 215 projets d’usines nouvelles. Comment stopper l’hemorragie ? A l’issue des Etats generaux de l’industrie, dont les travaux commences en novembre se sont acheves le 25 janvier, Nicolas Sarkozy doit prochainement definir une « nouvelle politique industrielle » qui pourra s’appuyer sur une partie des moyens degages par le grand emprunt national. Une facon de placer la seconde moitie de son mandat sous le patronage du general de Gaulle et de Georges Pompidou, peres de ces grands programmes industriels qui continuent a produire emplois et succes commerciaux : industrie nucleaire, aeronautique, fusee Ariane, TGV, autoroutes. Coordonnes par le tres gaulliste Jean-Francois Dehecq ancien PDG de Sanofi -Aventis, les Etats generaux concluent a la necessite de revenir a une politique de grandes filieres nationales.
Plans couteux
Mais les recettes ne peuvent pas etre les memes que dans les annees 1960. La construction europeenne interdit desormais aux Etats d’accorder des subventions a leurs industries, comme l’ont fait les grands plans gaullistes et pompidoliens. Et tant mieux, car tous n’ont pas eu le meme destin heureux : le plan calcul, le plan machine-outil ou, plus tard, le plan composants electroniques (sous Francois Mitterrand) ont coute des milliards, sans grand resultat.
Meme sans la contrainte bruxelloise, l’interventionnisme d’Etat est loin de faire l’unanimite, comme le montre la parution d’une biographie derangeante de Colbert, l’inventeur de la politique industrielle (Colbert, la vertu usurpee, ed. Perrin), ecrite par Francois d’Aubert, qui dirigea dans les annees 1980 une commission parlementaire sur les errements de l’Etat dans le scandale du Credit lyonnais. Ce livre, qui ambitionne de remonter « aux sources du mal francais », peut avoir valeur d’avertissement.
Sans parti pris ideologique, on peut constater que, depuis les Trente Glorieuses, les positions industrielles de la France se sont considerablement degradees. Compare a l’Allemagne, l’Hexagone a perdu beaucoup de terrain (voir graphiques ci-contre), et la crise n’a fait qu’accentuer les difficultes de ses industriels. En l’espace de dix ans, 500 000 emplois ont ete detruits dans les usines, et la part de la France dans les exportations de l’Union europeenne vers le reste du monde a recule de 40 %. Quant a la rentabilite des entreprises industrielles francaises (mesuree en excedent brut d’exploitation), elle a ete divisee presque par deux.
Lobbying intensif« Il n’y a pas dans notre pays de declin irreversible de l’industrie », veulent pourtant croire patronat et syndicats de la metallurgie et de la chimie (excepte la CGT), dans une lettre commune adressee a Nicolas Sarkozy le 15 decembre. Dans ce texte, les partenaires sociaux se felicitent de « la prise de conscience renouvelee, apres les exces financiers, que l ‘industrie est au coeur de la richesse du pays et de ses habitants », et soulignent qu’« une nouvelle politique industrielle doit pour reussir s’appuyer sur un contrat social renouvele ».
Cette initiative inedite est une illustration du lobbying intensif des interesses. A leur tete, Yvon Jacob, 67 ans, le puissant president du Groupement des federations industrielles (GFI), issu de la metallurgie. L’ex-PDG de Legris Industries a longtemps preche dans le desert, quitte a se faire traiter de « ringard » par ceux qui ne juraient que par « l’entreprise sans usines ». Des la campagne presidentielle de 2002, il a tire la sonnette d’alarme, en vain. En 2005, candidat malheureux a la presidence du Medef, il est battu par Laurence Parisot, soutenue par Michel Pebereau et Claude Bebear, figures de la banque et de l’assurance. Tout un symbole.
Lors de la presidentielle de 2007, Yvon Jacob et ses amis reviennent a la charge. Mais cette fois ils tiennent la corde. « Nous avons montre ce que le declin de l’industrie coutait et allait continuer a couter, raconte-t-il. Et je dois dire que nous avons ete entendus par les trois principaux candidats. »
Probable successeur d’Yvon Jacob a la tete du GFI, Pierre Gattaz, 50 ans, a lui aussi joue son role dans cette offensive. Actuel president de la Federation des industries electriques, electroniques et de communication (Fieec), le PDG de Radiall est un familier des organisations patronales, puisque son pere, Yvon Gattaz, a ete president du CNPF (l’ancetre du Medef) entre 1981 et 1986. Ce chef d’entreprise au temperament passionne ne s’est pas contente de faire plancher les adherents de la Fieec pour proposer, des juin 2008, « une strategie industrielle pour les marches du futur ». Il a pris sa plus belle plume pour ecrire un livre (Le Printemps des magiciens, Nouveau Monde editions) a la gloire de l’industrie et de « ces hommes et ces femmes qui transforment du sable en semi-conducteur, du carbone en avions, des rayons de soleil en energie, et qui peut-etre transformeront un jour de l’eau en carburant… »
Le president de la Republique, lui, n’a pas eu besoin de lire la prose de Pierre Gattaz, car on le sait persuade que l’industrie est un element-cle de la puissance d’un pays, et que l’Etat est fonde a intervenir si necessaire. Une conviction qu’il avait mise en pratique a Bercy en 2004, lorsqu’il s’agissait de sauver Alstom, ou d’eviter une OPA du suisse Novartis sur Sanofi – Aventis. Il ne se cache pas d’avoir « en travers de la gorge » la cession de Pechiney en 2003, suivie de son depecage.
Fonds souverain
La creation du Fonds strategique d’investissement (lire page 59) est censee repondre a ce souci de ne pas voir des pans entiers de l’industrie francaise partir entre des mains etrangeres. La premiere prise de participation du FSI a d’ailleurs ete pour STX France, les anciens Chantiers de l’Atlantique, passes sous controle sud-coreen : pour Nicolas Sarkozy, tous les moyens de transport, maritimes, terrestres ou aeriens, sont strategiques. Tout comme l’energie : c’est ce qu’il a signifie en choisissant le tandem Alstom-Schneider Electric pour reprendre l’activite de transmissions et distribution (T&D) d’Areva, plutot que l’americain General Electric ou le japonais Toshiba.
Comment aller plus loin, desormais ? Sur les nombreuses idees remontees des Etats generaux de l’industrie, on peut en retenir quatre. Premiere piste : la baisse des couts de production. « Le sujet central, c’est la degradation de la competitivite de l’industrie francaise, souligne Yvon Jacob. Si nous avions garde la meme position qu’il y a dix ans, nous aurions enregistre, l’an dernier, 100 milliards d’euros de plus de ventes, et cela aurait rapporte de 30 a 40 milliards de plus a l’Etat. » La suppression de la taxe professionnelle correspond d’ores et deja a cette demande, et favorisera peut-etre l’emergence d’un mouvement de relocalisations (lire page 61). Mais c’est maintenant le dossier des charges sociales que voudraient ouvrir les industriels, notamment celui des allocations familiales.
Deuxieme piste : les financements a long terme, quasiment introuvables en dehors de l’appel au marche. Christian Estrosi, le ministre de l’Industrie, evoque volontiers la creation d’une « banque de l’industrie », mais les interesses prefereraient le retablissement des prets bonifies, des prets participatifs, ainsi qu’une meilleure canalisation de l’epargne des Francais vers l’industrie.
Autre voie a explorer : l’innovation, qui seule permet de mettre au point des produits competitifs. Pour que l’industrie francaise monte en gamme, Pierre Gattaz propose de partir « des besoins societaux », tels que la securite, la sante ou le developpement durable. Mais attention, previent Yvon Jacob, il ne s’agit pas de realiser une politique selective : « L’industrie est un tout, et il ne peut y avoir d’espace ou d’aviation s’il n’y a pas de mecanique ou d ‘industrie electrique forte. »
Jouer collectifEnfin, derniere source de reflexion, la creation de filieres, ou d’« ecosystemes ». Christian Estrosi s’en est deja explique : il s’agit, pour lui, de « creer de nouvelles relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants », en incluant l’ensemble des partenaires en amont des grands projets, a la japonaise. « Des le depart, la voiture electrique Zoe, que Renault construira a Flins, aura 40 % de pieces produites en France », se rejouit-il.
Une facon de signifier que, desormais, l’equipe France doit jouer collectif, a domicile comme a l’exterieur. Ce sera peut-etre le plus difficile a imposer, comme en temoigne le recent echec du nucleaire a Abou Dhabi (lire ci-contre). La discipline est souvent ce qui fait le plus defaut aux defenseurs des couleurs francaises.
Le gouvernement veut faire grossir les PME
C’est le nouveau beguin de l’executif. Le mantra du president Nicolas Sarkozy. La ministre Christine Lagarde a promis d’en faire sa priorite. Le secretaire d’Etat Herve Novelli s’y interesse depuis des lustres. Les entreprises de taille intermediaire (ETI) ont presque detrone PME, autoentrepreneurs et grands groupes dans les discours presidentiels : « Trop de champions industriels preferent investir et produire a l’etranger alors que les ETI creent des emplois en France », martelait encore Nicolas Sarkozy le 5 octobre devant la CGPME. Qui sont donc ces champions taille medium ? Selon le decret du 18 decembre 2008, les ETI sont des entreprises entre 250 et 5 000 salaries, et entre 43 millions et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. « C’est la taille naturelle d’une entreprise qui a reussi », decrypte Yvon Gattaz, president d’Asmep-ETI et « pere » du concept d’ETI. Une arme redoutable, surtout : ces entreprises representent un tiers des exportations et pres de la moitie des depenses de R&D. « Elles sont a la fois performantes sur l’innovation, l’investissement et la conquete des marches export, detaille le senateur Bruno Retailleau, qui a remis mercredi 17 fevrier un rapport sur le sujet a Francois Fillon. Une grosse partie de notre deficit commercial s’explique par le manque de societes de cette taille. » Le probleme, c’est qu’elles ne se bousculent pas sur le territoire francais : Ernst & Young en a recense 5153, deux fois moins qu’en Allemagne (ensemble appelle le Mittelstand) et au Royaume-Uni. Pis, selon le comptage de Bercy, moins de 1 000 sur les 4 700 repertoriees seraient vraiment independantes des grands groupes. Nicolas Sarkozy a donc fixe des objectifs ambitieux au gouvernement : d’ici a 2012, creer 2 000 entreprises de plus de 500 salaries. Un chiffre que les experts jugent irrealiste. « Il s’agit plutot de favoriser la croissance de PME qui se heurtent a un plafond de verre, assure Bruno Retailleau. On ne va pas s’engager dans une extension aux ETI des mesures pour les PME. » Le rapport Retailleau suggere plusieurs mesures : en particulier, simplifer les guichets publics, reduire l’impot sur les societes pour les benefices affectes a l’autofinancement, et enfin donner de la visibilite aux entreprises en instituant une charge fiscale fixe sur trois a cinq ans. De quoi favoriser l’emergence d’un Mittelstand a la francaise ? « Il faut aussi un changement culturel dans les relations entre grands groupes et sous-traitants, pointe Bruno Retailleau. On ne peut plus accepter les pratiques de predation des grandes societes, il faut suivre l’exemple de la solidarite des filieres industrielles allemandes. » Derniere proposition du rapporteur : creer un mediateur de l’entreprise.
La France des grands contrats reinvente la machine a perdre
Une « humiliation d’Etat » : ainsi Nicolas Sarkozy a qualifie l’echec cinglant de la filiere nucleaire francaise a Abou Dhabi. Personne n’aurait imagine qu’apres ce Waterloo Anne Lauvergeon (Areva) et Henri Proglio (EDF) se chamailleraient publiquement. Convoques par Francois Fillon, ils se sont quittes sur le perron de Matignon sans un regard. « Les protagonistes de la filiere nucleaire francaise, jadis exemplaire, sont en train de se suicider », affirme Ladislas Poniatowski, president (UMP) du groupe d’etudes de l’energie au Senat. L’echec a Abou Dhabi est loin d’etre unique. Ou qu’on regarde, la France des « grands contrats », qui melaient technologie, investissement public et soutien politique, a disparu. Prenez Dassault : en trente ans, pas un Rafale exporte. Apres les echecs en Coree du Sud, aux Pays-Bas et a Singapour, celui encaisse au Maroc peu apres l’election de Nicolas Sarkozy a ete cinglant. Emblematique des carences de l’organisation politico-administrative a l’export, avec des offres a des prix differents presentees par Dassault et par l’administration. Et voila que le contrat au Bresil, donne comme acquis par Nicolas Sarkozy, est remis en cause. Prenez le TGV, fleuron de l’industrie francaise il y a dix ans. C’est a Siemens que la Chine a confie la maitrise de ses trains entre Pekin et Shanghai, et depuis peu entre Canton et Wuhan, la ligne la plus rapide (350 kilometres-heure) et la plus longue (1068 kilometres) du monde. Le train antisismique japonais pourrait s’imposer en Californie en raison des dissensions entre Alstom et la SNCF. Prenez l’aeronautique, ou le leadership europeen de la France etait inconteste. L’Allemagne y a pris un poids preponderant a Airbus. Et l’echec de l’avion de transport militaire est du a l’incapacite de mettre au point des moteurs turbopropulseurs aux performances conformes aux engagements. Alors que l’Inde vient d’annuler sa commande pour six A 330 ravitailleurs, probablement au profit d’Iliouchine russes, bien moins chers, le fabuleux contrat de l’armee americaine ira sans doute a Boeing. Et dans l’espace, si Ariane V reste un succes, l’Agence spatiale europeenne (ESA) a du faire de la place a Soyouz, plus econome, a Kourou. Derniere deconvenue, Galileo : l’ESA a retenu l’allemand OHB au detriment d’Astrium, filiale d’EADS, pour fabriquer 14 des 22 satellites prevus… Bref, les piliers industriels de la France a l’international s’effondrent les uns apres les autres. Produits trop sophistiques, croissances externes mal gerees, sous-investissement expliquent en partie ce declin. Mais il est surtout du a l’absence de reel soutien des politiques, plus soucieux de communication que d’efficacite.
Le FSI tisse un filet de soutien aux entreprises
Notre pays doit pouvoir continuer a « construire des bateaux, des voitures et des avions ». En octobre 2008, Nicolas Sarkozy lancait le Fonds strategique d’investissement (FSI). Codetenu par l’Etat et la Caisse des depots, qui apportaient chacun 10 milliards d’euros sous forme de participations et de cash, le « fonds souverain a la francaise » a d’abord suscite un scepticisme general. L’opposition redoutait une creature au service de l’Elysee. Les chefs d’entreprise, aux abois, se plaignaient d’etre econduits. Un an plus tard, le FSI a injecte 1,4 milliard d’euros dans l’economie reelle, et cet acteur est entre presque naturellement dans les moeurs du business.Des la creation du FSI, les actionnaires ont envoye un signal fort en choisissant un industriel pour le diriger. Gilles Michel a deja mis les mains dans le cambouis : forme a l’ecole Saint-Gobain, il a dirige plusieurs usines et filiales de materiaux de construction avant de rejoindre Peugeot Citroen pour s’occuper des plates-formes de production. Il connait les contraintes des investissements industriels. Pas question de faire des allers-retours en quelques mois, le FSI s’est fixe un objectif minimal de cinq a sept ans. « Nous avons un horizon de long terme, explique Gilles Michel. Et nous adaptons le temps financier au temps industriel, et non l’inverse. » Autre regle du jeu : le fonds reste minoritaire. Il n’a jamais pris plus de 20 % de participation. « C’est un actionnaire actif mais non interventionniste », affirme Patrick Daher, PDG du groupe Daher, qui a ouvert son capital fin 2008. Enfin, le FSI, sans dettes, peut se passer de rentrees d’argent regulieres. « Comme nous n’utilisons pas l’effet de levier, nous n’attendons pas les memes taux de retour sur investissement que les fonds classiques », confirme Bertrand Finet, son directeur et membre du comite executif. Cet appetit modere rassure. Bruno Vanryb, PDG d’Avanquest Software, a presente l’ete dernier, avec succes, une candidature pour sa societe : « La plupart des investisseurs exigent des retours delirants. Les equipes du FSI sont moins deconnectees de la realite de l’entreprise que le reste de la finance. » On l’aura compris, le FSI n’a rien a voir avec un fonds de LBO. Mais il n’est pas non plus un organisme de mecenat public. L’objectif a atteindre est la rentabilite, comme l’explique Agnes Pannier-Runacher, directrice de la finance et de la strategie de portefeuille : « Nous devons etre capables de vivre sans redemander de l’argent a nos actionnaires. Au surplus, nous devons etre tres responsables, car nous gerons de l’argent public. » Le FSI a donc vocation a prendre des participations dans des societes qui, malades, ne sont pas pour autant condamnees.
Rigueur selective
« Nous ne financerons pas tous les canards boiteux de l’economie », avait averti Nicolas Sarkozy. « Je suis conscient que nous sommes attendus, confirme Gilles Michel. Mais nous n’investissons pas sans perspective. Nous ne sommes ni un organisme de restructuration d’Etat ni un organisme de credit subventionne. » Il faut donc s’assurer de la viabilite de l’entreprise, comme dans les fonds classiques. « La facon dont nous instruisons les dossiers est exactement la meme, due diligences [audits prealables. NDLR], negociations, utilisations de conseils en strategie, de banquiers et d’avocats-conseils, etc. », assure Bertrand Finet. Mais a la difference des autres fonds, le FSI se fait un devoir de traiter toutes les demandes : « Nous ne pouvons pas nous permettre de regarder les dossiers avec des a priori negatifs. Et quelle que soit notre decision, elle doit etre argumentee. »Une forme de rigueur dont Michel Bouvard, president de la commission de surveillance de la Caisse des depots, se felicite : « Sur le dossier Heuliez, pour lequel l’opposition comme la majorite poussaient a investir, le FSI s’en est tenu aux aspects industriels et aux capacites financieres du repreneur. » Gilles Michel a resiste aux pressions : « Le FSI n’intervient pas seul mais en complement du repreneur designe par le tribunal de commerce. Cela fait sept mois qu’il a pris des engagements, il doit les tenir ! Quand cet argent sera debloque, nous debloquerons le notre. » Ni fonds speculatif ni pompier de service, le FSI a trouve sa voie.
La relocalisation en quatre points cardinaux
Serait-il tendance de revenir au pays ? « En France, sur cent entreprises qui ont delocalise, cinq a dix reviennent », estime Olivier Bouba-Olga, economiste a l’universite de Poitiers, sachant que « les delocalisations sont moins massives qu’on ne l’imagine. » Pas encore un phenomene. Mais un debut d’inversion de tendance. Les decisions de filer en Asie ou ailleurs prises a la va-vite sous la pression reelle ou supposee des actionnaires ou des donneurs d’ordre sont moins courantes qu’au debut des annees 2000. Souvent en raison d’un mauvais retour d’experience. Alors que les rapports sur la perte de competitivite francaise pleuvent sur les bureaux ministeriels, quatre patrons expliquent comment et pourquoi ils sont revenus au Made in France. Qualite, proximite, innovation, communication. Il existe au moins quatre bonnes raisons economiques de revenir a la maison. Et d’en faire un combat.
1 Des soucis de qualite
LE CAS GANTOIS
– L’un apres l’autre, Corinne Oddo rentre de petits rectangles de metal tisse dans un engin qui recrache des cylindres. A cote d’elle trone une grosse machine, noire et graisseuse. Elle la regarde, nostalgique. Elle se dit « contente », bien sur, du retour ici, a Saint-Die (Vosges), des metiers a tisser le metal et autres mecanismes, delocalises en 2003 en Roumanie. A la fin de l’an dernier, le metallurgiste Gantois a ferme ses deux usines roumaines et rapatrie 24 machines. Pourtant, ca lui fait tout drole. Elle pense a son ancienne collegue, Corinne elle aussi.« Elle etait tout le temps sur ce poste. » L’engin a ete remis a la meme place. « On s’entendait bien. Apres la delocalisation, elle a ete licenciee. Elle a eu un bebe et elle est toujours a la recherche d’un travail. » Elle se met a rever : « S’il y avait beaucoup d’activite, on pourrait rappeler les anciens… » C’est encore loin d’etre le cas. La relocalisation a mis 1 70 salaries roumains au chomage et juste permis d’eviter a Saint-Die un plan social d’« une trentaine de personnes » sur 290, estime Marc Toillier, le directeur general. La relocalisation, c’est lui. Arrive a Gantois en decembre 2008, il decouvre les problemes de qualite des produits roumains : a un point tel que les filtres pour les airbags de voitures fabriques a l’Est doivent etre verifies un a un a Saint-Die, avant d’etre livres au donneur d’ordre. Debut 2009, il voit aussi les commandes chuter de moitie en Roumanie. Marc Toillier sort alors sa calculette. Le cout de la main-d’oeuvre est cense atteindre 30 euros l’heure a Saint-Die, contre 6 euros a Timisoara. Il ajoute au chiffre roumain le prix d’une moindre productivite constatee de 40 %. Plus celui d’un encadrement deux fois plus important. Plus le cout des 20 % de rebuts. Plus le transport et les frais de structures (locaux, frais administratifs…). La main-d’oeuvre roumaine bondit soudain a 36 euros l’heure. La demonstration est limpide. Selon Marc Toillier, la delocalisation a fait perdre 5 millions d’euros sur six ans a Gantois, qui a realise 76 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008. « On n’a pas pu transferer le savoir-faire de Saint-Die. » Il en est persuade, « delocaliser des produits avec une technologie pointue comme le tissage du metal est impossible ».
2 Des retards de livraison
LE CAS PEG
– Alain Comalada n’a toujours pas digere le coup de l’avion a 28 000 dollars. C’etait le 10 novembre. Ce jour-la, le PDG de la societe PEG se renseigne sur la livraison de ses 15 000 oreillers chinois. Son client, un grand distributeur francais, les attend des le 27. Etant donne les vingt jours de bateau et le temps de verification dans son usine normande, la commande devrait se situer en pleine mer, a bord d’un bateau, quelque part entre Hangzhou et Le Havre. Stupeur. Contrairement a ce que les fabricants chinois lui ont assure, le patron decouvre que ses polochons sont bien prets mais toujours a quai. Panique, il imagine deja le montant des penalites de retard. Son client est intraitable, il le sait. Colere, enervement, menaces… Il obtient finalement des Chinois l’envoi de la marchandise par avion-cargo. La totalite du cout lui est facturee, 28 000 dollars donc. Soit, selon le cours du change a l’epoque, pres de 19 000 euros.Fini, les sueurs froides dues aux retards. Le patron de cette entreprise familiale veut oublier la Chine : « Je n’ai eu que des tuiles la-bas. » Et la qualite n’est pas la pour rattraper les problemes de transport : oreillers plats, taches, trop petits, trop grands… Alain Comalada est en train de rapatrier toute la production d’oreillers et couettes synthetiques. Il a fait construire une machine qui produit de la microfi bre et installe une nouvelle usine a Varneville, dans la region dieppoise, a quelques kilometres de l’ancien site. La relocalisation a debute en avril 2009 et devrait s’achever fi n fevrier. La production sera alors a 100 % normande, contre 80 % auparavant. En revanche, la matiere premiere, le tissu, vient toujours d’Inde, du Pakistan et de Chine. « Je peux relocaliser, car la part de main-d’oeuvre dans mes couts atteint 10 %. Rien a voir avec la confection, ou elle depasse les 50 %. » En huit ans, le chiffre d’affaires de cette societe de 100 salaries a presque triple, de 8 millions d’euros a 22 millions. Et l’an dernier, Alain Comalada a embauche dix personnes grace a la relocalisation. Une belle annee de crise.
3 Des difficultes a innover
LE CAS ATOL
– C’est le Monsieur Relocalisation de l’Hexagone. Directeur general delegue d’une cooperative de 600 salaries, l’opticien Atol, Philippe Peyrard a transforme son histoire en combat. Avec Majencia et Carglass, autres societes a etre revenues en France, il a cree l’association Cedre. Il rencontre des politiques, tel Patrick Devedjian, ministre de la relance, ou Yves Jego, charge d’une mission sur « la marque France ». Il multiplie les plateaux tele, les interviews… Avec pour objectif d’informer ses confreres et de demander un soutien de l’Etat (lire encadre ci-contre).En 2003, Philippe Peyrard se tourne vers l’Asie « par depit ». Dans la vallee de Morez, connue dans le Jura pour sa lunetterie, aucun fabricant ne croit en lui et en ses projets. Atol, distributeur juge trop petit, ne compte alors que 250 points de vente, contre 750 aujourd’hui. Direction la Chine pour trouver des fournisseurs. Il y decouvre les problemes de comprehension, de livraison. « Fin 2004, je refais le tour des popotes, explique-t-il. Cette fois, un fabricant a Morbier trouve que mon reseau prend corps et se lance avec nous. » Une premiere collection Made in Jura sort en 2005. Vendue 135 a 140 euros, la paire depasse a peine les 130 euros des montures chinoises mais ne compense pas la hausse du cout de main-d’oeuvre.Philippe Peyrard decide alors que cette relocalisation rimera avec innovation. « Les Chinois sont doues pour copier, pour ameliorer les produits, mais pour innover, ce n’est pas encore ca… » Il en fait le pari, Atol va denicher la trouvaille de genie qui attirera les foules et lui permettra d’augmenter ses prix. En 2007, l’idee surgit enfin : la monture interchangeable, « un bijou de technologie avec 250 operations pour le realiser », qui passe a 200 euros. Il pensait trouver plus tot. « Nous avons perdu 400 000 a 500 000 euros par an. Heureusement, nous sommes une cooperative, aucun banquier ne nous demandait de resultats au jour le jour. » Une seconde gamme de montures modulables, baptisee Adriana Karembeu, est sortie debut fevrier. Elle a permis de sauvegarder ou de creer 25 emplois. « Si on investit dans l’innovation avec un produit «extraordinaire», l’axe de comparaison ne peut plus etre le prix. » Les delocalisations perdent alors leur raison d’etre. Concernant les produits de base, la logique est differente : Philippe Peyrard s’en vante moins, mais, pour ses montures en marque propre, il realise encore 30 % de sa production en Chine.
4 Un argument marketing
LE CAS MAINTAG
-Bruno Lo-Re s’excuse pour sa mine de « jet lagge ». Le president de Maintag, societe specialisee dans les puces de radio-identification (RFID), vient d’atterrir des Etats-Unis, ou, en cinq jours, il a parcouru 5 000 kilometres en voiture. Apparemment, il lui en faut plus pour l’epuiser, tout a l’excitation qu’il est de son programme du lendemain, le 19 janvier. « Nous allons annoncer la signature d’un contrat non pas avec un gros client mais avec un mas-to-donte : Airbus. » Grace aux tags RFID de Maintag (associe a l’americain Tego), l’historique de chaque piece d’un A 350 sera ainsi connu, de sa conception au dernier entretien. Deuxieme bonne nouvelle, il diminue sa production asiatique, qui atteint 80 % du chiffre d’affaires, esperant tendre en deux ans vers 10 % : « Je n’envisageais pas de faire des tags entierement delocalises pour Airbus, j’ai enormement souffert de problemes de qualite en Chine. » La puce et l’antenne sont toujours fabriquees a l’etranger, mais l’assemblage se fait a Saint-Ouen-l’Aumone, pres de Paris. Maintag y travaille avec d’autres entreprises, detenues par son actionnaire, le groupe VDMI.Apres s’etre rendu compte qu’il faisait de la relocalisation comme monsieur Jourdain de la prose, Bruno Lo-Re a decide d’en faire un argument marketing. Christophe Bonnet, ami et coach, s’en charge.« Je pense qu’on peut generer de l’activite en vantant notre label Made in France. » Ce sera le grand theme de l’inauguration du site de Saint-Ouen en avril. « Quand je dis que je fais de l’industrie en France, je ne suis pas fou, juste en avance, explique Nicolas Bara, patron de VDMI. Je discute avec d’autres business angels, nous reflechissons a la creation d’un fonds special Made in France. » Bruno Lo-Re, un brin frustre, remarque : « Aux Etats-Unis, nous aurions deja cinq ou six investisseurs autour de nous… » Mais apres une annee difficile, il espere au moins doubler son chiffre d’affaires en 2010, a 2 millions d’euros, et va faire croitre sa societe de 15 a 20 personnes. L’annee demarre sous de bons auspices. C’est que ce defenseur de l’industrie hexagonale a de bonnes lectures : sur son bureau est pose un livre, L’Art de la guerre, de Sun Tzu. Des preceptes 100 % chinois.
Une prime un peu voyante
Le gouvernement a choisi sa carotte. En octobre, le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, avait parle de prime a la relocalisation, sujet populaire en temps de crise. Bercy vient de mettre 185 millions d’euros sur la table pour financer des avances remboursables. La somme est issue du grand emprunt, comme le precise le projet de loi de finances rectificative pour 2010, presente le 20 janvier. Selon le ministere de l’Industrie, ce montant sera verse sur trois ans. Les avances seront distribuees aux entreprises de moins de 5 000 salaries qui relocalisent, seulement si elles investissent en rentrant. L’avance, calculee selon l’investissement rapatrie, pourrait atteindre 5 a 10 millions d’euros par PME. Il faudra creer ou preserver de l’emploi, la decision n’est pas arretee. Sous 250 salaries, il n’y aura pas d’autre condition, mais les PME de 250 a 5 000 salaries devront investir dans des zones donnant deja droit a la prime d’amenagement du territoire. En clair, des bassins a revitaliser. Le ministere aimerait aussi inciter a la non-delocalisation avec une avance aux entreprises ayant ficele un projet de production a l’etranger si elles reviennent en arriere. Le ministere cherche encore le truc pour eviter l’effet d’aubaine. Juriste et membre de l’association Cedre, qui milite pour des aides a la relocalisation, Francois Gagnaire reste sceptique. L’association proposait d’etendre simplement la prime d’amenagement du territoire aux entreprises qui relocalisent. Sans faire de ramdam. « Pourquoi creer un dispositif special qui risque de provoquer l’attrait de nos partenaires europeens et les pousser, telle la Roumanie, a faire de meme pour attirer les entreprises ? »
Le luxe maintient sa vitrine francaise
Avenue Montaigne, la maison Christian Dior a offert le 25 janvier a 520 privilegies son defi le haute couture. Vingt-quatre modeles representatifs d’un savoir-faire inegale. Peu importe que le createur John Galliano ne soit pas francais, pourvu que ses robes le soient. « L’ancrage d’une marque dans son pays d’origine est fondamental, resume Francois-Henri Pinault, president de PPR, actionnaire majoritaire de Gucci Group, concurrent de Dior. C’est un gage de qualite. »Pas question que la haute couture ou la haute joaillerie derogent a ce dogme. Chez Cartier ou Boucheron, les diamants et rubis sont sertis dans des ateliers maison. Comme les robes de soiree de Givenchy ou de Jean Paul Gaultier, coupees, cousues, brodees sur place. Pour conserver le savoir-faire francais, Chanel rachete depuis 1996 la fine fleur des metiers d’art, fournisseurs de ses propres collections ou de ses concurrents. Ainsi, le plumassier Lemarie, le brodeur Lesage, le chapelier Michel et bien d’autres gravitent desormais dans l’orbite du couturier. Qui organise chaque annee, un jour a New York, un autre a Tokyo, un defile de leurs creations, histoire de convaincre les riches clientes des prix pratiques.
Faconniers en crise
Hermes, de son cote, est entre au capital de la cristallerie Saint-Louis, du bottier John Lobb ou encore du tisseur Perrin. « S’il y a une industrie qui defend le savoir-faire francais, c’est bien le luxe, s’exclame Elisabeth Ponsolle des Portes, deleguee generale du Comite Colbert, qui regroupe plus de 70 maisons de luxe. Entre 2000 et 2005, 22 sites de production ont ete crees. »L’appreciation est nettement moins euphorique du cote des faconniers. « Les sous-traitants souffrent. Les donneurs d’ordre prosperent alors que nous mourons », assure l’un d’eux. S’il refuse d’etre cite, c’est par crainte de perdre ses derniers clients. Les statistiques lui donnent raison : ces cinq dernieres annees, les entreprises qui travaillent a facon pour le luxe ont vu leurs effectifs chuter de 70 % et leur chiffre d’affaires de 66 %. Et la fermeture de la maison Lacroix ces derniers mois s’est soldee par une nouvelle diminution de la charge de travail, mais aussi par des dettes. « Le nombre d’articles de pret-a-porter feminin produits dans l’Hexagone a ete diminue par six entre 1 998 et 2007 », confirme Jacques Carles, president du Centre du luxe et de la creation. Du coup, Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, prepare un plan de renforcement de la competitivite du secteur : « Un million d’euros sur deux ans, finance a moitie par le ministere, a moitie par l’Union francaise des industries de l’habillement », souligne-t-il.
Debuts de delocalisationUn coup de pouce, comme pour les autres secteurs livres a la mondialisation… « Les delocalisations dans le luxe sont longtemps restees des pratiques inavouees, remarque Maxime Koromyslov, professeur de marketing a l’ICN Business School de Nancy-Metz. Desormais, on sait que certains produits, souvent d’entree de gamme, sont fabriques a l’etranger. » Un jugement partage par Bernard Malek, associe au cabinet de consultants Roland Berger : « Pour optimiser quelques etapes de fabrication, il est possible de les faire realiser ailleurs qu’en France, mais encore faut-il rester coherent avec l’ ADN de la marque. » Les souliers Louis Vuitton sont desormais piques dans une usine de Pondichery, quelques modeles de sacs Celine sortent d’usines chinoises, les jeans Dior viennent de Turquie… Et les coussins de Jean-Francois Lesage, fils de Francois, sont brodes en Inde, a Madras. Pour une qualite irreprochable mais des salaires sans commune mesure.Le phenomene, difficile a quantifier, resterait marginal. Car dans le luxe plus qu’ailleurs, fabriquer francais est un atout commercial. Mais, dixit Yves Jego qui planche sur le sujet a la demande du president de la Republique, le Made in France souffre de « faiblesses » et est « tres difficile a controler ». Et le secteur delocalise assez pour que Jacques Carles s’en inquiete : « Les delocalisations sont source de couts indirects insuffisamment pris en compte, comme les risques sociaux, les transferts de competences, la perte de savoir-faire. Mieux vaudrait privilegier une approche a long terme, plutot que de ceder a des avantages fugitifs. »
L’acoustique, fierte nationale mondialement saluee
En l’an 2010 apres J.-C, toute la hi-fi Made in France a ete engloutie sous la vague des fabricants asiatiques. Toute ? Pas tout a fait. Une poignee de specialistes des enceintes acoustiques resiste encore a l’envahisseur. Pas vraiment une sinecure, mais le choix strategique est clair : Focal JMlab, leader francais du secteur avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et 200 salaries, fabrique 85 % de ses enceintes et equipements de son pour voitures a Saint-Etienne. « Sur le creneau du haut de gamme, on ne peut pas vendre a des melomanes des produits faits en Chine, explique Jacques Mahul, president du groupe stephanois. Les clients, et notamment les Asiatiques a fort pouvoir d’achat, achetent autant la France qu’un produit technique. »Il faut dire que le pays du fromage et du vin rouge peut aussi s’enorgueillir d’un sacre heritage dans l’acoustique haut de gamme. Dans les annees 1970-1980, deux societes francaises, Siare et Audax, figuraient parmi les leaders europeens des enceintes. Une ecole de bidouilleurs du son qui a forme ou inspire bon nombre des specialistes actuels, comme Michel Visan (Davis Acoustics) ou Renaud de Vergnette (Triangle). Mais la French Touch du son ne concerne pas que les enceintes : basee pres de Carcassonne, la marque d’amplificateurs Jadis s’est imposee comme une reference sur le marche de niche des amplificateurs a tubes, un must des melomanes insatisfaits des performances des modeles a transistors. Plus de 200 entreprises seraient presentes sur le secteur du son haut de gamme, des TPE pour la plupart.Le point commun de ces acteurs de niche ? Un choix strategique evident : viser l’ultra-haut de gamme. « Pour des enceintes a 2 000 euros, on peut encore produire en France. Pour des produits a 300 euros, c’est impossible, tout se passe en Chine », pointe Olivier Visan, le patron de Davis Acoustics. L’enjeu est clair : garder une longueur d’avance aux yeux ou, plutot, aux oreilles des melomanes du monde entier en conservant son expertise sur les composants-cles. « Tous nos haut-parleurs sont fabriques a Soissons, pointe Marc Le Bihan, patron de Triangle. C’est le centre nevralgique de l’enceinte, qu’il faut a tout prix garder en interne. Sur la mecanique et l’ebenisterie, il est beaucoup plus difficile de trouver des acteurs francais. » Pas de doute : le village gaulois de la hi-fi n’a pas fini de guerroyer.
Anne-Marie Rocco

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Le made in France se rebiffe

C’est la mobilisation generale. Etrillee par les delocalisations, la production hexagonale multiplie les revers symboliques a l’export. Le gouvernement mene la riposte pour restaurer la competitivite des usines.
Est-ce la crise, avec son cortege de suppressions d’emplois, qui a conduit a cette mobilisation ? Est-ce l’efficacite du lobby relance par les federations patronales de l’industrie ? Ou encore les convictions du president de la Republique, qui ne prise rien tant qu’une bonne visite d’usine, suivie d’une rencontre un peu virile avec les syndicats ? Sans doute un peu des trois. Le resultat est la : desormais, le discours sur l’aspiration du pays a une societe postindustrielle porteuse de modernite est relegue aux oubliettes.
La France de 2010 n’eprouve plus aucune fascination pour « cool Britannia », ce pays reve de la finance heureuse et des emplois de services a gogo. C’est l’Allemagne, et son modele industriel resistant a la crise, qui suscite de nouveau l’envie, tandis qu’a Dreux, Philips met la cle sous la porte, tout comme Total a Dunkerque. En 2009, il y a eu 428 fermetures de sites industriels pour 215 projets d’usines nouvelles. Comment stopper l’hemorragie ? A l’issue des Etats generaux de l’industrie, dont les travaux commences en novembre se sont acheves le 25 janvier, Nicolas Sarkozy doit prochainement definir une « nouvelle politique industrielle » qui pourra s’appuyer sur une partie des moyens degages par le grand emprunt national. Une facon de placer la seconde moitie de son mandat sous le patronage du general de Gaulle et de Georges Pompidou, peres de ces grands programmes industriels qui continuent a produire emplois et succes commerciaux : industrie nucleaire, aeronautique, fusee Ariane, TGV, autoroutes. Coordonnes par le tres gaulliste Jean-Francois Dehecq ancien PDG de Sanofi -Aventis, les Etats generaux concluent a la necessite de revenir a une politique de grandes filieres nationales.
Plans couteux
Mais les recettes ne peuvent pas etre les memes que dans les annees 1960. La construction europeenne interdit desormais aux Etats d’accorder des subventions a leurs industries, comme l’ont fait les grands plans gaullistes et pompidoliens. Et tant mieux, car tous n’ont pas eu le meme destin heureux : le plan calcul, le plan machine-outil ou, plus tard, le plan composants electroniques (sous Francois Mitterrand) ont coute des milliards, sans grand resultat.
Meme sans la contrainte bruxelloise, l’interventionnisme d’Etat est loin de faire l’unanimite, comme le montre la parution d’une biographie derangeante de Colbert, l’inventeur de la politique industrielle (Colbert, la vertu usurpee, ed. Perrin), ecrite par Francois d’Aubert, qui dirigea dans les annees 1980 une commission parlementaire sur les errements de l’Etat dans le scandale du Credit lyonnais. Ce livre, qui ambitionne de remonter « aux sources du mal francais », peut avoir valeur d’avertissement.
Sans parti pris ideologique, on peut constater que, depuis les Trente Glorieuses, les positions industrielles de la France se sont considerablement degradees. Compare a l’Allemagne, l’Hexagone a perdu beaucoup de terrain (voir graphiques ci-contre), et la crise n’a fait qu’accentuer les difficultes de ses industriels. En l’espace de dix ans, 500 000 emplois ont ete detruits dans les usines, et la part de la France dans les exportations de l’Union europeenne vers le reste du monde a recule de 40 %. Quant a la rentabilite des entreprises industrielles francaises (mesuree en excedent brut d’exploitation), elle a ete divisee presque par deux.
Lobbying intensif« Il n’y a pas dans notre pays de declin irreversible de l’industrie », veulent pourtant croire patronat et syndicats de la metallurgie et de la chimie (excepte la CGT), dans une lettre commune adressee a Nicolas Sarkozy le 15 decembre. Dans ce texte, les partenaires sociaux se felicitent de « la prise de conscience renouvelee, apres les exces financiers, que l ‘industrie est au coeur de la richesse du pays et de ses habitants », et soulignent qu’« une nouvelle politique industrielle doit pour reussir s’appuyer sur un contrat social renouvele ».
Cette initiative inedite est une illustration du lobbying intensif des interesses. A leur tete, Yvon Jacob, 67 ans, le puissant president du Groupement des federations industrielles (GFI), issu de la metallurgie. L’ex-PDG de Legris Industries a longtemps preche dans le desert, quitte a se faire traiter de « ringard » par ceux qui ne juraient que par « l’entreprise sans usines ». Des la campagne presidentielle de 2002, il a tire la sonnette d’alarme, en vain. En 2005, candidat malheureux a la presidence du Medef, il est battu par Laurence Parisot, soutenue par Michel Pebereau et Claude Bebear, figures de la banque et de l’assurance. Tout un symbole.
Lors de la presidentielle de 2007, Yvon Jacob et ses amis reviennent a la charge. Mais cette fois ils tiennent la corde. « Nous avons montre ce que le declin de l’industrie coutait et allait continuer a couter, raconte-t-il. Et je dois dire que nous avons ete entendus par les trois principaux candidats. »
Probable successeur d’Yvon Jacob a la tete du GFI, Pierre Gattaz, 50 ans, a lui aussi joue son role dans cette offensive. Actuel president de la Federation des industries electriques, electroniques et de communication (Fieec), le PDG de Radiall est un familier des organisations patronales, puisque son pere, Yvon Gattaz, a ete president du CNPF (l’ancetre du Medef) entre 1981 et 1986. Ce chef d’entreprise au temperament passionne ne s’est pas contente de faire plancher les adherents de la Fieec pour proposer, des juin 2008, « une strategie industrielle pour les marches du futur ». Il a pris sa plus belle plume pour ecrire un livre (Le Printemps des magiciens, Nouveau Monde editions) a la gloire de l’industrie et de « ces hommes et ces femmes qui transforment du sable en semi-conducteur, du carbone en avions, des rayons de soleil en energie, et qui peut-etre transformeront un jour de l’eau en carburant… »
Le president de la Republique, lui, n’a pas eu besoin de lire la prose de Pierre Gattaz, car on le sait persuade que l’industrie est un element-cle de la puissance d’un pays, et que l’Etat est fonde a intervenir si necessaire. Une conviction qu’il avait mise en pratique a Bercy en 2004, lorsqu’il s’agissait de sauver Alstom, ou d’eviter une OPA du suisse Novartis sur Sanofi – Aventis. Il ne se cache pas d’avoir « en travers de la gorge » la cession de Pechiney en 2003, suivie de son depecage.
Fonds souverain
La creation du Fonds strategique d’investissement (lire page 59) est censee repondre a ce souci de ne pas voir des pans entiers de l’industrie francaise partir entre des mains etrangeres. La premiere prise de participation du FSI a d’ailleurs ete pour STX France, les anciens Chantiers de l’Atlantique, passes sous controle sud-coreen : pour Nicolas Sarkozy, tous les moyens de transport, maritimes, terrestres ou aeriens, sont strategiques. Tout comme l’energie : c’est ce qu’il a signifie en choisissant le tandem Alstom-Schneider Electric pour reprendre l’activite de transmissions et distribution (T&D) d’Areva, plutot que l’americain General Electric ou le japonais Toshiba.
Comment aller plus loin, desormais ? Sur les nombreuses idees remontees des Etats generaux de l’industrie, on peut en retenir quatre. Premiere piste : la baisse des couts de production. « Le sujet central, c’est la degradation de la competitivite de l’industrie francaise, souligne Yvon Jacob. Si nous avions garde la meme position qu’il y a dix ans, nous aurions enregistre, l’an dernier, 100 milliards d’euros de plus de ventes, et cela aurait rapporte de 30 a 40 milliards de plus a l’Etat. » La suppression de la taxe professionnelle correspond d’ores et deja a cette demande, et favorisera peut-etre l’emergence d’un mouvement de relocalisations (lire page 61). Mais c’est maintenant le dossier des charges sociales que voudraient ouvrir les industriels, notamment celui des allocations familiales.
Deuxieme piste : les financements a long terme, quasiment introuvables en dehors de l’appel au marche. Christian Estrosi, le ministre de l’Industrie, evoque volontiers la creation d’une « banque de l’industrie », mais les interesses prefereraient le retablissement des prets bonifies, des prets participatifs, ainsi qu’une meilleure canalisation de l’epargne des Francais vers l’industrie.
Autre voie a explorer : l’innovation, qui seule permet de mettre au point des produits competitifs. Pour que l’industrie francaise monte en gamme, Pierre Gattaz propose de partir « des besoins societaux », tels que la securite, la sante ou le developpement durable. Mais attention, previent Yvon Jacob, il ne s’agit pas de realiser une politique selective : « L’industrie est un tout, et il ne peut y avoir d’espace ou d’aviation s’il n’y a pas de mecanique ou d ‘industrie electrique forte. »
Jouer collectifEnfin, derniere source de reflexion, la creation de filieres, ou d’« ecosystemes ». Christian Estrosi s’en est deja explique : il s’agit, pour lui, de « creer de nouvelles relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants », en incluant l’ensemble des partenaires en amont des grands projets, a la japonaise. « Des le depart, la voiture electrique Zoe, que Renault construira a Flins, aura 40 % de pieces produites en France », se rejouit-il.
Une facon de signifier que, desormais, l’equipe France doit jouer collectif, a domicile comme a l’exterieur. Ce sera peut-etre le plus difficile a imposer, comme en temoigne le recent echec du nucleaire a Abou Dhabi (lire ci-contre). La discipline est souvent ce qui fait le plus defaut aux defenseurs des couleurs francaises.
Le gouvernement veut faire grossir les PME
C’est le nouveau beguin de l’executif. Le mantra du president Nicolas Sarkozy. La ministre Christine Lagarde a promis d’en faire sa priorite. Le secretaire d’Etat Herve Novelli s’y interesse depuis des lustres. Les entreprises de taille intermediaire (ETI) ont presque detrone PME, autoentrepreneurs et grands groupes dans les discours presidentiels : « Trop de champions industriels preferent investir et produire a l’etranger alors que les ETI creent des emplois en France », martelait encore Nicolas Sarkozy le 5 octobre devant la CGPME. Qui sont donc ces champions taille medium ? Selon le decret du 18 decembre 2008, les ETI sont des entreprises entre 250 et 5 000 salaries, et entre 43 millions et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. « C’est la taille naturelle d’une entreprise qui a reussi », decrypte Yvon Gattaz, president d’Asmep-ETI et « pere » du concept d’ETI. Une arme redoutable, surtout : ces entreprises representent un tiers des exportations et pres de la moitie des depenses de R&D. « Elles sont a la fois performantes sur l’innovation, l’investissement et la conquete des marches export, detaille le senateur Bruno Retailleau, qui a remis mercredi 17 fevrier un rapport sur le sujet a Francois Fillon. Une grosse partie de notre deficit commercial s’explique par le manque de societes de cette taille. » Le probleme, c’est qu’elles ne se bousculent pas sur le territoire francais : Ernst & Young en a recense 5153, deux fois moins qu’en Allemagne (ensemble appelle le Mittelstand) et au Royaume-Uni. Pis, selon le comptage de Bercy, moins de 1 000 sur les 4 700 repertoriees seraient vraiment independantes des grands groupes. Nicolas Sarkozy a donc fixe des objectifs ambitieux au gouvernement : d’ici a 2012, creer 2 000 entreprises de plus de 500 salaries. Un chiffre que les experts jugent irrealiste. « Il s’agit plutot de favoriser la croissance de PME qui se heurtent a un plafond de verre, assure Bruno Retailleau. On ne va pas s’engager dans une extension aux ETI des mesures pour les PME. » Le rapport Retailleau suggere plusieurs mesures : en particulier, simplifer les guichets publics, reduire l’impot sur les societes pour les benefices affectes a l’autofinancement, et enfin donner de la visibilite aux entreprises en instituant une charge fiscale fixe sur trois a cinq ans. De quoi favoriser l’emergence d’un Mittelstand a la francaise ? « Il faut aussi un changement culturel dans les relations entre grands groupes et sous-traitants, pointe Bruno Retailleau. On ne peut plus accepter les pratiques de predation des grandes societes, il faut suivre l’exemple de la solidarite des filieres industrielles allemandes. » Derniere proposition du rapporteur : creer un mediateur de l’entreprise.
La France des grands contrats reinvente la machine a perdre
Une « humiliation d’Etat » : ainsi Nicolas Sarkozy a qualifie l’echec cinglant de la filiere nucleaire francaise a Abou Dhabi. Personne n’aurait imagine qu’apres ce Waterloo Anne Lauvergeon (Areva) et Henri Proglio (EDF) se chamailleraient publiquement. Convoques par Francois Fillon, ils se sont quittes sur le perron de Matignon sans un regard. « Les protagonistes de la filiere nucleaire francaise, jadis exemplaire, sont en train de se suicider », affirme Ladislas Poniatowski, president (UMP) du groupe d’etudes de l’energie au Senat. L’echec a Abou Dhabi est loin d’etre unique. Ou qu’on regarde, la France des « grands contrats », qui melaient technologie, investissement public et soutien politique, a disparu. Prenez Dassault : en trente ans, pas un Rafale exporte. Apres les echecs en Coree du Sud, aux Pays-Bas et a Singapour, celui encaisse au Maroc peu apres l’election de Nicolas Sarkozy a ete cinglant. Emblematique des carences de l’organisation politico-administrative a l’export, avec des offres a des prix differents presentees par Dassault et par l’administration. Et voila que le contrat au Bresil, donne comme acquis par Nicolas Sarkozy, est remis en cause. Prenez le TGV, fleuron de l’industrie francaise il y a dix ans. C’est a Siemens que la Chine a confie la maitrise de ses trains entre Pekin et Shanghai, et depuis peu entre Canton et Wuhan, la ligne la plus rapide (350 kilometres-heure) et la plus longue (1068 kilometres) du monde. Le train antisismique japonais pourrait s’imposer en Californie en raison des dissensions entre Alstom et la SNCF. Prenez l’aeronautique, ou le leadership europeen de la France etait inconteste. L’Allemagne y a pris un poids preponderant a Airbus. Et l’echec de l’avion de transport militaire est du a l’incapacite de mettre au point des moteurs turbopropulseurs aux performances conformes aux engagements. Alors que l’Inde vient d’annuler sa commande pour six A 330 ravitailleurs, probablement au profit d’Iliouchine russes, bien moins chers, le fabuleux contrat de l’armee americaine ira sans doute a Boeing. Et dans l’espace, si Ariane V reste un succes, l’Agence spatiale europeenne (ESA) a du faire de la place a Soyouz, plus econome, a Kourou. Derniere deconvenue, Galileo : l’ESA a retenu l’allemand OHB au detriment d’Astrium, filiale d’EADS, pour fabriquer 14 des 22 satellites prevus… Bref, les piliers industriels de la France a l’international s’effondrent les uns apres les autres. Produits trop sophistiques, croissances externes mal gerees, sous-investissement expliquent en partie ce declin. Mais il est surtout du a l’absence de reel soutien des politiques, plus soucieux de communication que d’efficacite.
Le FSI tisse un filet de soutien aux entreprises
Notre pays doit pouvoir continuer a « construire des bateaux, des voitures et des avions ». En octobre 2008, Nicolas Sarkozy lancait le Fonds strategique d’investissement (FSI). Codetenu par l’Etat et la Caisse des depots, qui apportaient chacun 10 milliards d’euros sous forme de participations et de cash, le « fonds souverain a la francaise » a d’abord suscite un scepticisme general. L’opposition redoutait une creature au service de l’Elysee. Les chefs d’entreprise, aux abois, se plaignaient d’etre econduits. Un an plus tard, le FSI a injecte 1,4 milliard d’euros dans l’economie reelle, et cet acteur est entre presque naturellement dans les moeurs du business.Des la creation du FSI, les actionnaires ont envoye un signal fort en choisissant un industriel pour le diriger. Gilles Michel a deja mis les mains dans le cambouis : forme a l’ecole Saint-Gobain, il a dirige plusieurs usines et filiales de materiaux de construction avant de rejoindre Peugeot Citroen pour s’occuper des plates-formes de production. Il connait les contraintes des investissements industriels. Pas question de faire des allers-retours en quelques mois, le FSI s’est fixe un objectif minimal de cinq a sept ans. « Nous avons un horizon de long terme, explique Gilles Michel. Et nous adaptons le temps financier au temps industriel, et non l’inverse. » Autre regle du jeu : le fonds reste minoritaire. Il n’a jamais pris plus de 20 % de participation. « C’est un actionnaire actif mais non interventionniste », affirme Patrick Daher, PDG du groupe Daher, qui a ouvert son capital fin 2008. Enfin, le FSI, sans dettes, peut se passer de rentrees d’argent regulieres. « Comme nous n’utilisons pas l’effet de levier, nous n’attendons pas les memes taux de retour sur investissement que les fonds classiques », confirme Bertrand Finet, son directeur et membre du comite executif. Cet appetit modere rassure. Bruno Vanryb, PDG d’Avanquest Software, a presente l’ete dernier, avec succes, une candidature pour sa societe : « La plupart des investisseurs exigent des retours delirants. Les equipes du FSI sont moins deconnectees de la realite de l’entreprise que le reste de la finance. » On l’aura compris, le FSI n’a rien a voir avec un fonds de LBO. Mais il n’est pas non plus un organisme de mecenat public. L’objectif a atteindre est la rentabilite, comme l’explique Agnes Pannier-Runacher, directrice de la finance et de la strategie de portefeuille : « Nous devons etre capables de vivre sans redemander de l’argent a nos actionnaires. Au surplus, nous devons etre tres responsables, car nous gerons de l’argent public. » Le FSI a donc vocation a prendre des participations dans des societes qui, malades, ne sont pas pour autant condamnees.
Rigueur selective
« Nous ne financerons pas tous les canards boiteux de l’economie », avait averti Nicolas Sarkozy. « Je suis conscient que nous sommes attendus, confirme Gilles Michel. Mais nous n’investissons pas sans perspective. Nous ne sommes ni un organisme de restructuration d’Etat ni un organisme de credit subventionne. » Il faut donc s’assurer de la viabilite de l’entreprise, comme dans les fonds classiques. « La facon dont nous instruisons les dossiers est exactement la meme, due diligences [audits prealables. NDLR], negociations, utilisations de conseils en strategie, de banquiers et d’avocats-conseils, etc. », assure Bertrand Finet. Mais a la difference des autres fonds, le FSI se fait un devoir de traiter toutes les demandes : « Nous ne pouvons pas nous permettre de regarder les dossiers avec des a priori negatifs. Et quelle que soit notre decision, elle doit etre argumentee. »Une forme de rigueur dont Michel Bouvard, president de la commission de surveillance de la Caisse des depots, se felicite : « Sur le dossier Heuliez, pour lequel l’opposition comme la majorite poussaient a investir, le FSI s’en est tenu aux aspects industriels et aux capacites financieres du repreneur. » Gilles Michel a resiste aux pressions : « Le FSI n’intervient pas seul mais en complement du repreneur designe par le tribunal de commerce. Cela fait sept mois qu’il a pris des engagements, il doit les tenir ! Quand cet argent sera debloque, nous debloquerons le notre. » Ni fonds speculatif ni pompier de service, le FSI a trouve sa voie.
La relocalisation en quatre points cardinaux
Serait-il tendance de revenir au pays ? « En France, sur cent entreprises qui ont delocalise, cinq a dix reviennent », estime Olivier Bouba-Olga, economiste a l’universite de Poitiers, sachant que « les delocalisations sont moins massives qu’on ne l’imagine. » Pas encore un phenomene. Mais un debut d’inversion de tendance. Les decisions de filer en Asie ou ailleurs prises a la va-vite sous la pression reelle ou supposee des actionnaires ou des donneurs d’ordre sont moins courantes qu’au debut des annees 2000. Souvent en raison d’un mauvais retour d’experience. Alors que les rapports sur la perte de competitivite francaise pleuvent sur les bureaux ministeriels, quatre patrons expliquent comment et pourquoi ils sont revenus au Made in France. Qualite, proximite, innovation, communication. Il existe au moins quatre bonnes raisons economiques de revenir a la maison. Et d’en faire un combat.
1 Des soucis de qualite
LE CAS GANTOIS
– L’un apres l’autre, Corinne Oddo rentre de petits rectangles de metal tisse dans un engin qui recrache des cylindres. A cote d’elle trone une grosse machine, noire et graisseuse. Elle la regarde, nostalgique. Elle se dit « contente », bien sur, du retour ici, a Saint-Die (Vosges), des metiers a tisser le metal et autres mecanismes, delocalises en 2003 en Roumanie. A la fin de l’an dernier, le metallurgiste Gantois a ferme ses deux usines roumaines et rapatrie 24 machines. Pourtant, ca lui fait tout drole. Elle pense a son ancienne collegue, Corinne elle aussi.« Elle etait tout le temps sur ce poste. » L’engin a ete remis a la meme place. « On s’entendait bien. Apres la delocalisation, elle a ete licenciee. Elle a eu un bebe et elle est toujours a la recherche d’un travail. » Elle se met a rever : « S’il y avait beaucoup d’activite, on pourrait rappeler les anciens… » C’est encore loin d’etre le cas. La relocalisation a mis 1 70 salaries roumains au chomage et juste permis d’eviter a Saint-Die un plan social d’« une trentaine de personnes » sur 290, estime Marc Toillier, le directeur general. La relocalisation, c’est lui. Arrive a Gantois en decembre 2008, il decouvre les problemes de qualite des produits roumains : a un point tel que les filtres pour les airbags de voitures fabriques a l’Est doivent etre verifies un a un a Saint-Die, avant d’etre livres au donneur d’ordre. Debut 2009, il voit aussi les commandes chuter de moitie en Roumanie. Marc Toillier sort alors sa calculette. Le cout de la main-d’oeuvre est cense atteindre 30 euros l’heure a Saint-Die, contre 6 euros a Timisoara. Il ajoute au chiffre roumain le prix d’une moindre productivite constatee de 40 %. Plus celui d’un encadrement deux fois plus important. Plus le cout des 20 % de rebuts. Plus le transport et les frais de structures (locaux, frais administratifs…). La main-d’oeuvre roumaine bondit soudain a 36 euros l’heure. La demonstration est limpide. Selon Marc Toillier, la delocalisation a fait perdre 5 millions d’euros sur six ans a Gantois, qui a realise 76 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008. « On n’a pas pu transferer le savoir-faire de Saint-Die. » Il en est persuade, « delocaliser des produits avec une technologie pointue comme le tissage du metal est impossible ».
2 Des retards de livraison
LE CAS PEG
– Alain Comalada n’a toujours pas digere le coup de l’avion a 28 000 dollars. C’etait le 10 novembre. Ce jour-la, le PDG de la societe PEG se renseigne sur la livraison de ses 15 000 oreillers chinois. Son client, un grand distributeur francais, les attend des le 27. Etant donne les vingt jours de bateau et le temps de verification dans son usine normande, la commande devrait se situer en pleine mer, a bord d’un bateau, quelque part entre Hangzhou et Le Havre. Stupeur. Contrairement a ce que les fabricants chinois lui ont assure, le patron decouvre que ses polochons sont bien prets mais toujours a quai. Panique, il imagine deja le montant des penalites de retard. Son client est intraitable, il le sait. Colere, enervement, menaces… Il obtient finalement des Chinois l’envoi de la marchandise par avion-cargo. La totalite du cout lui est facturee, 28 000 dollars donc. Soit, selon le cours du change a l’epoque, pres de 19 000 euros.Fini, les sueurs froides dues aux retards. Le patron de cette entreprise familiale veut oublier la Chine : « Je n’ai eu que des tuiles la-bas. » Et la qualite n’est pas la pour rattraper les problemes de transport : oreillers plats, taches, trop petits, trop grands… Alain Comalada est en train de rapatrier toute la production d’oreillers et couettes synthetiques. Il a fait construire une machine qui produit de la microfi bre et installe une nouvelle usine a Varneville, dans la region dieppoise, a quelques kilometres de l’ancien site. La relocalisation a debute en avril 2009 et devrait s’achever fi n fevrier. La production sera alors a 100 % normande, contre 80 % auparavant. En revanche, la matiere premiere, le tissu, vient toujours d’Inde, du Pakistan et de Chine. « Je peux relocaliser, car la part de main-d’oeuvre dans mes couts atteint 10 %. Rien a voir avec la confection, ou elle depasse les 50 %. » En huit ans, le chiffre d’affaires de cette societe de 100 salaries a presque triple, de 8 millions d’euros a 22 millions. Et l’an dernier, Alain Comalada a embauche dix personnes grace a la relocalisation. Une belle annee de crise.
3 Des difficultes a innover
LE CAS ATOL
– C’est le Monsieur Relocalisation de l’Hexagone. Directeur general delegue d’une cooperative de 600 salaries, l’opticien Atol, Philippe Peyrard a transforme son histoire en combat. Avec Majencia et Carglass, autres societes a etre revenues en France, il a cree l’association Cedre. Il rencontre des politiques, tel Patrick Devedjian, ministre de la relance, ou Yves Jego, charge d’une mission sur « la marque France ». Il multiplie les plateaux tele, les interviews… Avec pour objectif d’informer ses confreres et de demander un soutien de l’Etat (lire encadre ci-contre).En 2003, Philippe Peyrard se tourne vers l’Asie « par depit ». Dans la vallee de Morez, connue dans le Jura pour sa lunetterie, aucun fabricant ne croit en lui et en ses projets. Atol, distributeur juge trop petit, ne compte alors que 250 points de vente, contre 750 aujourd’hui. Direction la Chine pour trouver des fournisseurs. Il y decouvre les problemes de comprehension, de livraison. « Fin 2004, je refais le tour des popotes, explique-t-il. Cette fois, un fabricant a Morbier trouve que mon reseau prend corps et se lance avec nous. » Une premiere collection Made in Jura sort en 2005. Vendue 135 a 140 euros, la paire depasse a peine les 130 euros des montures chinoises mais ne compense pas la hausse du cout de main-d’oeuvre.Philippe Peyrard decide alors que cette relocalisation rimera avec innovation. « Les Chinois sont doues pour copier, pour ameliorer les produits, mais pour innover, ce n’est pas encore ca… » Il en fait le pari, Atol va denicher la trouvaille de genie qui attirera les foules et lui permettra d’augmenter ses prix. En 2007, l’idee surgit enfin : la monture interchangeable, « un bijou de technologie avec 250 operations pour le realiser », qui passe a 200 euros. Il pensait trouver plus tot. « Nous avons perdu 400 000 a 500 000 euros par an. Heureusement, nous sommes une cooperative, aucun banquier ne nous demandait de resultats au jour le jour. » Une seconde gamme de montures modulables, baptisee Adriana Karembeu, est sortie debut fevrier. Elle a permis de sauvegarder ou de creer 25 emplois. « Si on investit dans l’innovation avec un produit «extraordinaire», l’axe de comparaison ne peut plus etre le prix. » Les delocalisations perdent alors leur raison d’etre. Concernant les produits de base, la logique est differente : Philippe Peyrard s’en vante moins, mais, pour ses montures en marque propre, il realise encore 30 % de sa production en Chine.
4 Un argument marketing
LE CAS MAINTAG
-Bruno Lo-Re s’excuse pour sa mine de « jet lagge ». Le president de Maintag, societe specialisee dans les puces de radio-identification (RFID), vient d’atterrir des Etats-Unis, ou, en cinq jours, il a parcouru 5 000 kilometres en voiture. Apparemment, il lui en faut plus pour l’epuiser, tout a l’excitation qu’il est de son programme du lendemain, le 19 janvier. « Nous allons annoncer la signature d’un contrat non pas avec un gros client mais avec un mas-to-donte : Airbus. » Grace aux tags RFID de Maintag (associe a l’americain Tego), l’historique de chaque piece d’un A 350 sera ainsi connu, de sa conception au dernier entretien. Deuxieme bonne nouvelle, il diminue sa production asiatique, qui atteint 80 % du chiffre d’affaires, esperant tendre en deux ans vers 10 % : « Je n’envisageais pas de faire des tags entierement delocalises pour Airbus, j’ai enormement souffert de problemes de qualite en Chine. » La puce et l’antenne sont toujours fabriquees a l’etranger, mais l’assemblage se fait a Saint-Ouen-l’Aumone, pres de Paris. Maintag y travaille avec d’autres entreprises, detenues par son actionnaire, le groupe VDMI.Apres s’etre rendu compte qu’il faisait de la relocalisation comme monsieur Jourdain de la prose, Bruno Lo-Re a decide d’en faire un argument marketing. Christophe Bonnet, ami et coach, s’en charge.« Je pense qu’on peut generer de l’activite en vantant notre label Made in France. » Ce sera le grand theme de l’inauguration du site de Saint-Ouen en avril. « Quand je dis que je fais de l’industrie en France, je ne suis pas fou, juste en avance, explique Nicolas Bara, patron de VDMI. Je discute avec d’autres business angels, nous reflechissons a la creation d’un fonds special Made in France. » Bruno Lo-Re, un brin frustre, remarque : « Aux Etats-Unis, nous aurions deja cinq ou six investisseurs autour de nous… » Mais apres une annee difficile, il espere au moins doubler son chiffre d’affaires en 2010, a 2 millions d’euros, et va faire croitre sa societe de 15 a 20 personnes. L’annee demarre sous de bons auspices. C’est que ce defenseur de l’industrie hexagonale a de bonnes lectures : sur son bureau est pose un livre, L’Art de la guerre, de Sun Tzu. Des preceptes 100 % chinois.
Une prime un peu voyante
Le gouvernement a choisi sa carotte. En octobre, le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, avait parle de prime a la relocalisation, sujet populaire en temps de crise. Bercy vient de mettre 185 millions d’euros sur la table pour financer des avances remboursables. La somme est issue du grand emprunt, comme le precise le projet de loi de finances rectificative pour 2010, presente le 20 janvier. Selon le ministere de l’Industrie, ce montant sera verse sur trois ans. Les avances seront distribuees aux entreprises de moins de 5 000 salaries qui relocalisent, seulement si elles investissent en rentrant. L’avance, calculee selon l’investissement rapatrie, pourrait atteindre 5 a 10 millions d’euros par PME. Il faudra creer ou preserver de l’emploi, la decision n’est pas arretee. Sous 250 salaries, il n’y aura pas d’autre condition, mais les PME de 250 a 5 000 salaries devront investir dans des zones donnant deja droit a la prime d’amenagement du territoire. En clair, des bassins a revitaliser. Le ministere aimerait aussi inciter a la non-delocalisation avec une avance aux entreprises ayant ficele un projet de production a l’etranger si elles reviennent en arriere. Le ministere cherche encore le truc pour eviter l’effet d’aubaine. Juriste et membre de l’association Cedre, qui milite pour des aides a la relocalisation, Francois Gagnaire reste sceptique. L’association proposait d’etendre simplement la prime d’amenagement du territoire aux entreprises qui relocalisent. Sans faire de ramdam. « Pourquoi creer un dispositif special qui risque de provoquer l’attrait de nos partenaires europeens et les pousser, telle la Roumanie, a faire de meme pour attirer les entreprises ? »
Le luxe maintient sa vitrine francaise
Avenue Montaigne, la maison Christian Dior a offert le 25 janvier a 520 privilegies son defi le haute couture. Vingt-quatre modeles representatifs d’un savoir-faire inegale. Peu importe que le createur John Galliano ne soit pas francais, pourvu que ses robes le soient. « L’ancrage d’une marque dans son pays d’origine est fondamental, resume Francois-Henri Pinault, president de PPR, actionnaire majoritaire de Gucci Group, concurrent de Dior. C’est un gage de qualite. »Pas question que la haute couture ou la haute joaillerie derogent a ce dogme. Chez Cartier ou Boucheron, les diamants et rubis sont sertis dans des ateliers maison. Comme les robes de soiree de Givenchy ou de Jean Paul Gaultier, coupees, cousues, brodees sur place. Pour conserver le savoir-faire francais, Chanel rachete depuis 1996 la fine fleur des metiers d’art, fournisseurs de ses propres collections ou de ses concurrents. Ainsi, le plumassier Lemarie, le brodeur Lesage, le chapelier Michel et bien d’autres gravitent desormais dans l’orbite du couturier. Qui organise chaque annee, un jour a New York, un autre a Tokyo, un defile de leurs creations, histoire de convaincre les riches clientes des prix pratiques.
Faconniers en crise
Hermes, de son cote, est entre au capital de la cristallerie Saint-Louis, du bottier John Lobb ou encore du tisseur Perrin. « S’il y a une industrie qui defend le savoir-faire francais, c’est bien le luxe, s’exclame Elisabeth Ponsolle des Portes, deleguee generale du Comite Colbert, qui regroupe plus de 70 maisons de luxe. Entre 2000 et 2005, 22 sites de production ont ete crees. »L’appreciation est nettement moins euphorique du cote des faconniers. « Les sous-traitants souffrent. Les donneurs d’ordre prosperent alors que nous mourons », assure l’un d’eux. S’il refuse d’etre cite, c’est par crainte de perdre ses derniers clients. Les statistiques lui donnent raison : ces cinq dernieres annees, les entreprises qui travaillent a facon pour le luxe ont vu leurs effectifs chuter de 70 % et leur chiffre d’affaires de 66 %. Et la fermeture de la maison Lacroix ces derniers mois s’est soldee par une nouvelle diminution de la charge de travail, mais aussi par des dettes. « Le nombre d’articles de pret-a-porter feminin produits dans l’Hexagone a ete diminue par six entre 1 998 et 2007 », confirme Jacques Carles, president du Centre du luxe et de la creation. Du coup, Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, prepare un plan de renforcement de la competitivite du secteur : « Un million d’euros sur deux ans, finance a moitie par le ministere, a moitie par l’Union francaise des industries de l’habillement », souligne-t-il.
Debuts de delocalisationUn coup de pouce, comme pour les autres secteurs livres a la mondialisation… « Les delocalisations dans le luxe sont longtemps restees des pratiques inavouees, remarque Maxime Koromyslov, professeur de marketing a l’ICN Business School de Nancy-Metz. Desormais, on sait que certains produits, souvent d’entree de gamme, sont fabriques a l’etranger. » Un jugement partage par Bernard Malek, associe au cabinet de consultants Roland Berger : « Pour optimiser quelques etapes de fabrication, il est possible de les faire realiser ailleurs qu’en France, mais encore faut-il rester coherent avec l’ ADN de la marque. » Les souliers Louis Vuitton sont desormais piques dans une usine de Pondichery, quelques modeles de sacs Celine sortent d’usines chinoises, les jeans Dior viennent de Turquie… Et les coussins de Jean-Francois Lesage, fils de Francois, sont brodes en Inde, a Madras. Pour une qualite irreprochable mais des salaires sans commune mesure.Le phenomene, difficile a quantifier, resterait marginal. Car dans le luxe plus qu’ailleurs, fabriquer francais est un atout commercial. Mais, dixit Yves Jego qui planche sur le sujet a la demande du president de la Republique, le Made in France souffre de « faiblesses » et est « tres difficile a controler ». Et le secteur delocalise assez pour que Jacques Carles s’en inquiete : « Les delocalisations sont source de couts indirects insuffisamment pris en compte, comme les risques sociaux, les transferts de competences, la perte de savoir-faire. Mieux vaudrait privilegier une approche a long terme, plutot que de ceder a des avantages fugitifs. »
L’acoustique, fierte nationale mondialement saluee
En l’an 2010 apres J.-C, toute la hi-fi Made in France a ete engloutie sous la vague des fabricants asiatiques. Toute ? Pas tout a fait. Une poignee de specialistes des enceintes acoustiques resiste encore a l’envahisseur. Pas vraiment une sinecure, mais le choix strategique est clair : Focal JMlab, leader francais du secteur avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et 200 salaries, fabrique 85 % de ses enceintes et equipements de son pour voitures a Saint-Etienne. « Sur le creneau du haut de gamme, on ne peut pas vendre a des melomanes des produits faits en Chine, explique Jacques Mahul, president du groupe stephanois. Les clients, et notamment les Asiatiques a fort pouvoir d’achat, achetent autant la France qu’un produit technique. »Il faut dire que le pays du fromage et du vin rouge peut aussi s’enorgueillir d’un sacre heritage dans l’acoustique haut de gamme. Dans les annees 1970-1980, deux societes francaises, Siare et Audax, figuraient parmi les leaders europeens des enceintes. Une ecole de bidouilleurs du son qui a forme ou inspire bon nombre des specialistes actuels, comme Michel Visan (Davis Acoustics) ou Renaud de Vergnette (Triangle). Mais la French Touch du son ne concerne pas que les enceintes : basee pres de Carcassonne, la marque d’amplificateurs Jadis s’est imposee comme une reference sur le marche de niche des amplificateurs a tubes, un must des melomanes insatisfaits des performances des modeles a transistors. Plus de 200 entreprises seraient presentes sur le secteur du son haut de gamme, des TPE pour la plupart.Le point commun de ces acteurs de niche ? Un choix strategique evident : viser l’ultra-haut de gamme. « Pour des enceintes a 2 000 euros, on peut encore produire en France. Pour des produits a 300 euros, c’est impossible, tout se passe en Chine », pointe Olivier Visan, le patron de Davis Acoustics. L’enjeu est clair : garder une longueur d’avance aux yeux ou, plutot, aux oreilles des melomanes du monde entier en conservant son expertise sur les composants-cles. « Tous nos haut-parleurs sont fabriques a Soissons, pointe Marc Le Bihan, patron de Triangle. C’est le centre nevralgique de l’enceinte, qu’il faut a tout prix garder en interne. Sur la mecanique et l’ebenisterie, il est beaucoup plus difficile de trouver des acteurs francais. » Pas de doute : le village gaulois de la hi-fi n’a pas fini de guerroyer.
Anne-Marie Rocco

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Postat de pe data de 28 feb., 2010 in categoria România în lume. Poti urmari comentariile acestui articol prin RSS 2.0. Acest articol a fost vizualizat de 611 ori.

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