Rencontre avec le doyen des couturiers, a l’occasion des 60 ans de l’ouverture de sa maison.
Retrouvez les creations de Pierre Cardin en images:
Diaporama(s)
1971 : ensemble de tuniques en jersey et pantalons a ellipse
Les creations de Pierre Cardin
Pierre Cardin est un homme de superlatifs. 800 licences a son nom, 50 voyages au Japon, 30 en Chine, ou il installait sa marque des 1979. Artisan du new-look aupres de Christian Dior, des costumes de La Belle et la Betede Cocteau aupres de Christian Berard, ce natif d’Italie -arrive en Isere a l’age de 2 ans- a donne dans les annees 1960 des contours palpables a un futur fantasme. Avec un phrase chatie d’homme de la premiere partie du XXe siecle, cet academicien de 87 ans continue de s’inventer des buildings futuristes. Dans son bureau de l’avenue Marigny, enfoui sous les photos et les coupures de presse, il passe en revue plus de soixante ans de carriere.
On vous a vu fin janvier assister au defile couture de John Galliano pour Dior. Parlez-nous de cette maison, ou vous avez fait vos debuts fin 1946.
En arrivant a Paris, j’ai passe quelques mois chez Paquin, la plus grande maison de couture de l’epoque, puis chez Elsa Schiaparelli. Quand j’ai rencontre Christian Dior, il travaillait chez Lucien Lelong, avant que l’industriel Marcel Boussac ne lui propose de monter sa propre griffe. „Si vous attendez trois mois, je vous entraine dans l’aventure”, m’a-t-il dit. C’est ainsi qu’en novembre 1946 je suis arrive chez Dior, ou j’ai meme achete le premier fer a repasser ! Nous etions sept le premier jour et quand je suis parti, en 1950, il y avait 900 employes. J’etais fier de travailler chez Christian Dior, mais, tout de meme, c’etait sa mere qu’il remettait a la mode. C’etait superbe mais, pour moi, seule la longueur etait neuve.
C’est une quete de nouveaute qui vous a pousse a creer votre maison?
Le travail et la volonte de reussir m’ont toujours anime. Apres avoir collabore a de grands films, j’ai monte une maison de costumes de cinema et de theatre. L’apres-guerre, c’etait l’epoque des grands bals… Cette vie sociale faisait travailler un nombre de gens incroyable: maquilleurs, coiffeurs, couturiers, etc. C’est ce que j’aime dans la mode: elle n’est pas necessaire, mais elle est utile. Imaginez que les maisons ferment, qu’est-ce qu’il y aurait dans les rues ? La mode est un signe de vie et de civilisation, une radiographie totale de la societe.
Depuis votre premier voyage au Japon, en 1957, les cultures du monde vous ont souvent porte?
Depuis l’age de 20 ans, je voyage dans le monde entier, pour me cultiver, connaitre les moeurs, les physiques, la politique. Cela a largement influence mon travail. J’ai passe beaucoup de temps dans les musees, a decouvrir Giotto en Italie, Vermeer en Hollande…
archives pierre cardin
Sa collection en 1969.
Il y a ce creuset culturel, mais surtout un gout pour le futur…
Je ne voulais pas copier la mode du moment. Ma connaissance du costume m’avait donne une grande richesse, mais je voulais m’en evader et agir en reaction. Je preferais qu’on me copie plutot que copier, ce qui est le vrai sens de la creation. On se passionnait alors pour le cosmos, le laser, les computers, les possibilites infinies de la conquete lunaire. Je voyais cette epoque, je la visualisais en vetements. Pour moi, ce n’etait pas futuriste, c’etait l’actualite.
Un des vetements dont vous etes le plus fier?
Le Cosmocorps, une combinaison unisexe creee en 1968. Le premier a l’avoir porte dans Paris, c’est le photographe Francois-Marie Banier. Je le vois encore avec Edmonde Charles-Roux, alors redactrice en chef de Vogue, a l’arriere de sa moto! On etait encenses par la presse mais on n’en vendait pas une, tout comme pour les robes bulles et preformees! Ce n’etait pas la misere, parce que je faisais aussi des choses plus portables. J’ai toujours habille une femme libre et, pour moi, c’est un non-sens de voir qu’on les remet aujourd’hui dans des corsets!
Vous n’avez jamais cree a partir du corps?
Ma facon de travailler, c’est de faire une sculpture et de mettre le corps dedans. J’ai meme imagine des robes a partir d’un pas de vis! La sensualite, ce n’est pas tant de voir des fesses ou des seins. Une femme qui se dissimule dans une robe en mouvement, c’est plus attirant. De loin, c’est d’abord une couleur, ensuite, c’est une forme. Et, de pres c’est un visage, un maintien. Apres, la pensee et l’esprit prennent le relais.
Par-dela l’experimentation, vous vous etes lance en 1959 dans le pret-a-porter…
Ce n’est qu’a partir de ce moment que j’ai gagne de l’argent. J’avais 37 ans et je voulais travailler pour la rue. Tout en etant capitaliste, j’avais un cote socialiste! A l’epoque, on m’a maltraite en disant qu’on n’entendrait plus parler de moi dans trois ans et, aujourd’hui, je suis le seul a etre entierement proprietaire de mon nom dans le monde entier.
Apres la democratisation, vous avez choisi la diversification…
Il y a deja cinquante ans, j’ai fait de la mode homme, des parfums, des bijoux, des accessoires et des meubles, j’ai achete Maxim’s en 1981 et, aujourd’hui, je me lance dans les buildings. L’architecture est proche de la mode, c’est un retour aux sources. Avec la haute couture, je n’y serais jamais arrive, je n’existerais plus! Et comme mon reve etait d’etre acteur, j’ai repris, en 1970, le theatre des Ambassadeurs [actuel Espace Pierre Cardin]. Je suis le plus vieux directeur de theatre de Paris!
Toutes ces aventures ne vous ont pas eloigne de la mode?
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Pierre Cardin: „La mode, c’est une radiographie de la societe”

Rencontre avec le doyen des couturiers, a l’occasion des 60 ans de l’ouverture de sa maison.
Retrouvez les creations de Pierre Cardin en images:
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1971 : ensemble de tuniques en jersey et pantalons a ellipse
Les creations de Pierre Cardin
Pierre Cardin est un homme de superlatifs. 800 licences a son nom, 50 voyages au Japon, 30 en Chine, ou il installait sa marque des 1979. Artisan du new-look aupres de Christian Dior, des costumes de La Belle et la Betede Cocteau aupres de Christian Berard, ce natif d’Italie -arrive en Isere a l’age de 2 ans- a donne dans les annees 1960 des contours palpables a un futur fantasme. Avec un phrase chatie d’homme de la premiere partie du XXe siecle, cet academicien de 87 ans continue de s’inventer des buildings futuristes. Dans son bureau de l’avenue Marigny, enfoui sous les photos et les coupures de presse, il passe en revue plus de soixante ans de carriere.
On vous a vu fin janvier assister au defile couture de John Galliano pour Dior. Parlez-nous de cette maison, ou vous avez fait vos debuts fin 1946.
En arrivant a Paris, j’ai passe quelques mois chez Paquin, la plus grande maison de couture de l’epoque, puis chez Elsa Schiaparelli. Quand j’ai rencontre Christian Dior, il travaillait chez Lucien Lelong, avant que l’industriel Marcel Boussac ne lui propose de monter sa propre griffe. „Si vous attendez trois mois, je vous entraine dans l’aventure”, m’a-t-il dit. C’est ainsi qu’en novembre 1946 je suis arrive chez Dior, ou j’ai meme achete le premier fer a repasser ! Nous etions sept le premier jour et quand je suis parti, en 1950, il y avait 900 employes. J’etais fier de travailler chez Christian Dior, mais, tout de meme, c’etait sa mere qu’il remettait a la mode. C’etait superbe mais, pour moi, seule la longueur etait neuve.
C’est une quete de nouveaute qui vous a pousse a creer votre maison?
Le travail et la volonte de reussir m’ont toujours anime. Apres avoir collabore a de grands films, j’ai monte une maison de costumes de cinema et de theatre. L’apres-guerre, c’etait l’epoque des grands bals… Cette vie sociale faisait travailler un nombre de gens incroyable: maquilleurs, coiffeurs, couturiers, etc. C’est ce que j’aime dans la mode: elle n’est pas necessaire, mais elle est utile. Imaginez que les maisons ferment, qu’est-ce qu’il y aurait dans les rues ? La mode est un signe de vie et de civilisation, une radiographie totale de la societe.
Depuis votre premier voyage au Japon, en 1957, les cultures du monde vous ont souvent porte?
Depuis l’age de 20 ans, je voyage dans le monde entier, pour me cultiver, connaitre les moeurs, les physiques, la politique. Cela a largement influence mon travail. J’ai passe beaucoup de temps dans les musees, a decouvrir Giotto en Italie, Vermeer en Hollande…
archives pierre cardin
Sa collection en 1969.
Il y a ce creuset culturel, mais surtout un gout pour le futur…
Je ne voulais pas copier la mode du moment. Ma connaissance du costume m’avait donne une grande richesse, mais je voulais m’en evader et agir en reaction. Je preferais qu’on me copie plutot que copier, ce qui est le vrai sens de la creation. On se passionnait alors pour le cosmos, le laser, les computers, les possibilites infinies de la conquete lunaire. Je voyais cette epoque, je la visualisais en vetements. Pour moi, ce n’etait pas futuriste, c’etait l’actualite.
Un des vetements dont vous etes le plus fier?
Le Cosmocorps, une combinaison unisexe creee en 1968. Le premier a l’avoir porte dans Paris, c’est le photographe Francois-Marie Banier. Je le vois encore avec Edmonde Charles-Roux, alors redactrice en chef de Vogue, a l’arriere de sa moto! On etait encenses par la presse mais on n’en vendait pas une, tout comme pour les robes bulles et preformees! Ce n’etait pas la misere, parce que je faisais aussi des choses plus portables. J’ai toujours habille une femme libre et, pour moi, c’est un non-sens de voir qu’on les remet aujourd’hui dans des corsets!
Vous n’avez jamais cree a partir du corps?
Ma facon de travailler, c’est de faire une sculpture et de mettre le corps dedans. J’ai meme imagine des robes a partir d’un pas de vis! La sensualite, ce n’est pas tant de voir des fesses ou des seins. Une femme qui se dissimule dans une robe en mouvement, c’est plus attirant. De loin, c’est d’abord une couleur, ensuite, c’est une forme. Et, de pres c’est un visage, un maintien. Apres, la pensee et l’esprit prennent le relais.
Par-dela l’experimentation, vous vous etes lance en 1959 dans le pret-a-porter…
Ce n’est qu’a partir de ce moment que j’ai gagne de l’argent. J’avais 37 ans et je voulais travailler pour la rue. Tout en etant capitaliste, j’avais un cote socialiste! A l’epoque, on m’a maltraite en disant qu’on n’entendrait plus parler de moi dans trois ans et, aujourd’hui, je suis le seul a etre entierement proprietaire de mon nom dans le monde entier.
Apres la democratisation, vous avez choisi la diversification…
Il y a deja cinquante ans, j’ai fait de la mode homme, des parfums, des bijoux, des accessoires et des meubles, j’ai achete Maxim’s en 1981 et, aujourd’hui, je me lance dans les buildings. L’architecture est proche de la mode, c’est un retour aux sources. Avec la haute couture, je n’y serais jamais arrive, je n’existerais plus! Et comme mon reve etait d’etre acteur, j’ai repris, en 1970, le theatre des Ambassadeurs [actuel Espace Pierre Cardin]. Je suis le plus vieux directeur de theatre de Paris!
Toutes ces aventures ne vous ont pas eloigne de la mode?
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Postat de pe data de 28 feb., 2010 in categoria România în lume. Poti urmari comentariile acestui articol prin RSS 2.0. Acest articol a fost vizualizat de 476 ori.

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