Le temps libre de leurs annees d’usine, ils l’ont en grande partie passe a s’etourdir dans les bals populaires. Soixante-dix ans aujourd’hui et les Leger ont arrete de danser il y a un an. Autour de la table ronde et de sa nappe provencale, Claude dit qu’il commencait „a perdre le pas”. Mais point de tristesse, l’interieur astique de leur maisonnette finie de payer dit cette epoque heureuse de l’industrie qu’ils savent revolue.
Denise, brune menue, assise bien droite, le repete : „Nous, c’etait le bon moment.” Celui ou on disait aux enfants de 14 ans : „”Tu veux arreter l’ecole ? Pas de soucis”. Une visite medicale, et on etait embauche.” C’est le cas de Claude, il n’a pas regrette, il n’a jamais chome une journee.
Pour ses mains fortes et sa moustache blanche, la retraite est venue un jour de septembre 1995. Quarante et un ans pile-poil qu’il oeuvrait dans cette usine des Glaces de Boussois, pres de Jeumont. Le lendemain, il etait tout heureux, en foret, aux champignons.
Denise, elle, n’a travaille qu’entre 16 et 24 ans, a la feutrerie voisine. Claude la preferait au foyer et craignait qu’elle „y laisse sa sante”. Si les Leger voient un bemol a leurs annees d’industrie, c’est ce travail „sans gants, sans lunettes, parfois va-nu-pieds”. Denise est fille d’un mineur polonais. Son pere et son frere sont tous deux morts de la silicose.
De la generation de Claude, ils ne sont plus qu’une poignee des Glaces de Boussois. Leur rituel le plus informel a lieu tous les vendredis, lors des courses, dans les rayons d’Auchan, caddie contre caddie. La, ils discutent pendant des heures. Sinon, il y a aussi l’association de l’usine et son musee. Claude y est l’un des meilleurs guides.
La retraite des Leger est a la hauteur de leur carriere ouvriere. Mais leur regle pour ne pas en souffrir : „Ne jamais regarder au-dessus.” Ils sont certains que leurs pensions sont bien plus avantageuses que celles des generations d’apres. „On a eu plus d’augmentations.”
Pendant des annees, ils ont savoure leurs etes en caravane dans un camping a La Ciotat (Bouches-du-Rhone). Maintenant, ils ont deux couples d’amis avec qui ils organisent des sejours touristiques. En mai, ca sera l’Alsace. Une fois par an au moins, ils s’en vont aussi tous les deux parcourir la France : „On met le GPS et c’est parti.”
Les Leger s’attristent des delocalisations. Mais Claude, centriste de coeur, pense que „l’avenir industriel dans le Nord est de toute facon foutu”. Sylvie, leur fille de 47 ans, enseignante, a tout fait pour quitter la region. Claude souhaite seulement aux ouvriers de maintenant que ca dure encore dix ans tranquilles.
Prochain et dernier article : Damien, sa PME et le club de football.
Elise Vincent (envoyee speciale)
Article paru dans l’edition du 13.03.10

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Vies de France : les Leger, ou le bonheur d’une retraite ouvriere

Le temps libre de leurs annees d’usine, ils l’ont en grande partie passe a s’etourdir dans les bals populaires. Soixante-dix ans aujourd’hui et les Leger ont arrete de danser il y a un an. Autour de la table ronde et de sa nappe provencale, Claude dit qu’il commencait „a perdre le pas”. Mais point de tristesse, l’interieur astique de leur maisonnette finie de payer dit cette epoque heureuse de l’industrie qu’ils savent revolue.
Denise, brune menue, assise bien droite, le repete : „Nous, c’etait le bon moment.” Celui ou on disait aux enfants de 14 ans : „”Tu veux arreter l’ecole ? Pas de soucis”. Une visite medicale, et on etait embauche.” C’est le cas de Claude, il n’a pas regrette, il n’a jamais chome une journee.
Pour ses mains fortes et sa moustache blanche, la retraite est venue un jour de septembre 1995. Quarante et un ans pile-poil qu’il oeuvrait dans cette usine des Glaces de Boussois, pres de Jeumont. Le lendemain, il etait tout heureux, en foret, aux champignons.
Denise, elle, n’a travaille qu’entre 16 et 24 ans, a la feutrerie voisine. Claude la preferait au foyer et craignait qu’elle „y laisse sa sante”. Si les Leger voient un bemol a leurs annees d’industrie, c’est ce travail „sans gants, sans lunettes, parfois va-nu-pieds”. Denise est fille d’un mineur polonais. Son pere et son frere sont tous deux morts de la silicose.
De la generation de Claude, ils ne sont plus qu’une poignee des Glaces de Boussois. Leur rituel le plus informel a lieu tous les vendredis, lors des courses, dans les rayons d’Auchan, caddie contre caddie. La, ils discutent pendant des heures. Sinon, il y a aussi l’association de l’usine et son musee. Claude y est l’un des meilleurs guides.
La retraite des Leger est a la hauteur de leur carriere ouvriere. Mais leur regle pour ne pas en souffrir : „Ne jamais regarder au-dessus.” Ils sont certains que leurs pensions sont bien plus avantageuses que celles des generations d’apres. „On a eu plus d’augmentations.”
Pendant des annees, ils ont savoure leurs etes en caravane dans un camping a La Ciotat (Bouches-du-Rhone). Maintenant, ils ont deux couples d’amis avec qui ils organisent des sejours touristiques. En mai, ca sera l’Alsace. Une fois par an au moins, ils s’en vont aussi tous les deux parcourir la France : „On met le GPS et c’est parti.”
Les Leger s’attristent des delocalisations. Mais Claude, centriste de coeur, pense que „l’avenir industriel dans le Nord est de toute facon foutu”. Sylvie, leur fille de 47 ans, enseignante, a tout fait pour quitter la region. Claude souhaite seulement aux ouvriers de maintenant que ca dure encore dix ans tranquilles.
Prochain et dernier article : Damien, sa PME et le club de football.
Elise Vincent (envoyee speciale)
Article paru dans l’edition du 13.03.10

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Postat de pe data de 28 feb., 2010 in categoria România în lume. Poti urmari comentariile acestui articol prin RSS 2.0. Acest articol a fost vizualizat de 415 ori.

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